New York, la ville inépuisable

Réfutant bien des références fantaisistes, les historiens se sont enfin accordés, le titre de Big Apple donné à New York vient des courses lancées sur la verdure des hippodromes. Il été créé par le journaliste John J. Fitz Gerald qui fréquentait le turf dans les années 1920. Un surnom maintenant connu dans le monde entier.
Il faut, dès que l’on pense à cette ville, changer de mesures, multiplier à l’infini les dimensions courantes appliquées aux autres cités, abandonner les critères habituels pour en adopter d’autres où tout est à porter à l’extrême.
Curieusement, c’est le gigantisme, le monumental, cette effervescence et cet excès sans limites dans tous les domaines qui font le charme de New York, lui donnent son attrait universel et inversement, réduisent la mégalopole à une addition d’espaces de convivialité, de lieux qui conviendraient à de petites localités, de zones qui se caractérisent par une vraie identité.
On parle de Greenwich Village, de Little Odessa, de Chinatown, de Little Italy, autant d’urbanités humaines côte à côte. Haarlem naguère déclassé pour sa violence est aujourd’hui à la mode et un quartier accueillant.
Aborder New York impose de laisser en marge les notions acquises ailleurs. Pour en parler, les meilleurs et les pires qualificatifs sont valables. Les textes réunis dans ce livre montrent que les écrivains ont aisément pu et su décrire la ville qui ne dort jamais. Parce qu’elle déçoit autant qu’elle séduit ! Ils la décrivent pour l’adorer, la sublimer, la critiquer, y voir à la suite de Camus l’insupportable et le délicieux. Le nombre d’auteurs qui ont écrit à son sujet est inimaginable.
Le choix des textes réunis par Françoise Bayle dans cet ouvrage le prouve. Historienne de l’art, elle retrace à travers leurs lignes plus de quatre siècles d’histoire. Une poignée de noms emblématiques pourrait résumer, tels des jalons indicatifs, une longue aventure. Verrazzano en 1524 explore la côte est de l’Amérique du Nord et découvre le site correspondant aujourd’hui au port de New York, Bartholdi en 1871 se rend à New York où sa statue arrivera en 1875 et sera le point de rencontre des immigrants, ces autres conquérants du Nouveau Monde dont Charlie Chaplin a donné une image poignante, Diane Arbus, William Klein, Joel Meyerowitz et les autres street photographers fixent la vie sur le vif dans les rues et les avenues.

Le lecteur en allant de page en page descend le long du temps newyorkais, passe des premières maisons rouges en bois à la manière hollandaise aux édifices de verre et d’acier dont les sommets se perdent dans les nuages.
Comme Louis-Ferdinand Céline, qui notait lors de son voyage que pour une surprise, c’en fut une, Paul Morand estimant que les gratte-ciel… tendent vers le ciel d’un élan mystique et économique et Simone de Beauvoir, constatant qu’il y a quelque chose dans l’air de New York qui rend le sommeil inutile, car ici votre cœur bat plus vite qu’ailleurs.
C’est une évidence, la littérature n’épuise pas la ville tant elle est partout exploitable et constitue en soi pour chaque auteur un acteur exceptionnel. Le Corbusier lui, pensait que New York est une catastrophe… une belle catastrophe.

Miroirs parfaits de l’évolution de la ville, témoins de sa frénésie et de ses folies, de sa poésie et de ses vertiges, les peintres ne pouvaient eux non plus manquer d’en faire le portrait, le matin dans la brume, la nuit dans les éclairages verticaux, dans le grouillement de Broadway et le calme des rues ombragées, ici au port et ses quais alignant les paquebots, là passant par un des bassins de Central Park où jouent les enfants endimanchés.
Tableaux connus parfois, comme celui de Hopper ou nouveaux, ceux de Colin Campbell Cooper, James David Smillie ou Charles Parsons. New York se prête au classicisme, au réalisme, au symbolisme, à l’impressionnisme, au futurisme. 
À chaque époque, son style. Les extraits des textes s’éclairent en parallèle des tableaux. Les mots de John Dos Passos correspondent ainsi aux couleurs de Jonas Lie, ceux de Truman Capote aux touches d’Ernest Lawson. Avec des mots et des images, Françoise Bayle invite à travers les arts de l’écriture et de la peinture à  une belle évasion américaine.

Dominique Vergnon  

Françoise Bayle, New York des peintres et des écrivains, 185x230 mm, illustrations couleur, éditions Hazan, novembre 2022, 240 p.-, 35 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.