Trois siècles d’art américain

À l’instar de la nation qui grandit, se structure, évolue, se répand, l’art américain entre 1750 et 2000 suit un parcours voisin. Naissant progressivement, développant une identité croissante et dépassant une vision sans doute régionale au profit d’une perception nettement plus ample à l’échelle du pays dans son entier, il gagne par la suite une légitimité et une originalité mondiales.
Autant la société que la culture des États-Unis connaissent dans cette longue période des mutations fondamentales qui sont présentées et analysées dans cette importante anthologie proposée par la Terra Foundation for American Art. En effet, les mises en parallèle permettent d’avoir un regard à la fois nouveau et aussi complet que possible sur ce domaine devenu majeur dans l’image globale des États-Unis.
Dans le passé, deux mondes géographiques et surtout culturels s’étaient croisés, l’ancien et le nouveau, dans une espèce de concorde, sans doute plus apparente que réelle, dont témoigne le tableau de Benjamin West de 1771, Le Traité de Penn avec les Indiens. Les échanges au plan artistique entre Amérique et Europe sont durant de longues années nombreux, divers, durables. Parmi d’autres artistes qui aiment les charmes de la péninsule italienne, James McNeill Whistler est le peintre américain qui a été le plus séduit par Venise.

Si les influences extérieures se mêlent aux créations proprement locales et les influencent, celles-ci peu à peu s’émancipent de ce qui est considéré par beaucoup comme une dépendance ou un tutelle dont il faut se défaire afin de parvenir à créer un art purement américain, donc un style original et reconnaissable, marque de cette jeune nation. Si beaucoup de peintres américains se forment encore en Europe, ils arrivent à formaliser chaque année davantage des spécificités américaines.
Le célèbre mouvement dit de l’Hudson River School a constitué à cet égard un exemple majeur. Les paysages figurent parmi les sujets de choix des artistes qui voyagent d’Ouest et Est, relevant à travers l’immense territoire la beauté et la grandeur de sa nature. Formé à la doctrine ruskinienne de la fidélité à cette nature, Thomas Moran, graveur et peintre, admirateur de Turner, évoque le sublime de l’Ouest. Son tableau Le Grand Canyon de Yellowstone, de 1872, souligne tout autant l’incroyable et âpre profondeur du décor géologique que sa poésie romantique.
Après 1880, un nouvel internationalisme s’impose, et des peintres comme Winslow Homer et Albert Pinkham Ryder sont considérés comme les interprètes d’une certaine américanité. Ce dernier écrit en 1905 un article qui paraît dans le Broadway Magazine, où il rappelle que l’imitation n’est pas l’inspiration, seule l’inspiration peut donner naissance à une œuvre d’art.

Dès 1900, jusqu’à la première Guerre mondiale, tous les artistes, qu’ils soient peintres comme John Marin ou photographes comme Grace Nicholson sont en route vers la modernité et lui assurent une domination désormais universelle. Des noms comme Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz en sont des repères essentiels. Après la prospérité, survient la Grande Dépression dont les images de Dorothea Lange portent les drames.
Jusqu’à nos jours, les œuvres des maîtres de l’art américain sont devenues iconiques et en rythment l’évolution de décennies en décennies. On peut citer à titre d’exemple celles de Mary Cassatt, d’Edward Hopper, de Mark Rothko, d’Andy Warhol, de Roy Lichtenstein, de Jean-Michel Basquiat et de tant d’autres. Si cette explosion esthétique associée à la multiplication inépuisable des thèmes et des approches sociales et politiques peut susciter autant d’admiration que de désapprobation, une réaction positive ou un recul négatif, elle provoque et élimine l’indifférence.    
Réunissant une très abondante sélection de textes, d’écrits et de critiques qui suivent l’histoire de l’Amérique, cet ouvrage est en soi une véritable et quasi inépuisable source d’informations et de commentaires sur les arts visuels américains. Le choix des illustrations explicite les propos, apportant selon les époques des angles de compréhension nouveaux toujours intéressants, car vus d’après les jugements et les auteurs du moment.  

Dominique Vergnon

John Davis, Michael Leja, L'Art des États-Unis 1750-2000. Textes et documents, 123 illustrations, 197 x 225 mm, Hazan, avril 2023, 544 p.-, 45€

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