Peindre les fleurs

Des guirlandes du peintre Pausias qui vécut au IVème siècle av. J.C. et dont parle Pline l’Ancien dans un de ses textes jusqu’aux corolles bleutées et aux pétales veloutés des iris et des volubilis de Georgia O’Keeffe, la fleur est un des motifs par excellence de la peinture. Participant au culte rendu aux dieux chez les Égyptiens, associées aux fêtes familiales et aux cérémonies, sources d’inspiration renouvelées, prises régulièrement pour symboles et allégories, les fleurs accompagnent depuis toujours les peintres dans leur désir de reproduire les splendeurs florales.
La création contemporaine n’échappe pas à la fascination du monde botanique qui s’offre aux peintres comme un modèle sans limites d’inspiration. À titre d’exemple, Anselm Kiefer a proposé une réinterprétation de Danaé en reliant le plomb aux tournesols. On dirait qu’entre cet univers naturel et le monde de l’art, il y ait des liens particuliers, des possibilités d’échanges privilégiés, une symbiose perpétuelle.
Les regards des artistes vers ce qui structure les fleurs sont sans doute plus que de simples attentions envers un modèle aisément disponible, ce sont davantage des preuves d’affection, des témoignages rendus à leur beauté, leur fragilité, jusqu’à la vanité qu’elles peuvent signifier. Avec seul un but : traduire sur la toile la lumière et la poésie qui marquent leur présence. Bourgeons, boutons, tiges, calices, pistils, étamines, rien qui ne soit l’occasion de retenir l’œil. Tous les plus grands maîtres, Botticelli, Dürer, Delacroix, Manet, Renoir, Gauguin, Redon, Van Gogh, comme les artistes moins connus, Jan Philips van Thielen et Martin Johnson Heade ou autres, ont au cours de leur carrière pris pour motif ces délicates et merveilleuses œuvres que la nature a fait naître de la terre, libéralement, partout, sans cesse, multipliant à l’infini formes et forces, parfums et fragrances, couleurs et odeurs.

C’est cette connexion de grâce unique que relate en prenant exemple sur près de soixante-dix œuvres Anne Sefrioui dans ce joli ouvrage conçu comme un long accordéon déployant ses harmonies et ses bouquets de couleurs. Eléments métaphoriques des hortus conclusus au Moyen-Age, grotesques et bestiaires en Italie, tulipomanie aux Pays-Bas au cours du XVIIe soècle, champs ouverts pour l’admiration des impressionnistes, prétextes de rêveries pour les symbolistes, roses, tournesols et nymphéas, natures mortes et bouquets champêtres, les fleurs s’épanouissent en liberté ou rassemblées dans des vases. Sur toutes les toiles, elles éclosent et s’épanouissent.
Elles poussent ainsi les peintres à chercher comment exprimer l’essence même de la fleur et le sentiment qu’elle engendre note l’auteure. Dans chacune de ces pages, au plus près des floraisons et de la virtuosité picturale, le lecteur entre dans une sorte de jardin à portée de main.

Dominique Vergnon

Anne Sefrioui, Fleurs, 70 illustrations, coll. L’essentiel, 135x185 mm, Hazan, mai 2023, 120 p.-, 25,95 €

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