Hélène Frappat : la peau fuyante du fleuve

Parce que la vie n'est pas un fantôme, Helène Frappat ne s'en moque pas. Son "Dernier fleuve" le prouve. Il s'agit certes d'un conte intemporel mais où la vie va. Et où l'âme possède des bras et des jambes enfantines. Elle fait la chasse autant à la survie qu'au désir.
Et la vraie écriture est justement celle qui plonge dans l'âme. Des deux enfants. Mais aussi du fleuve : il devient un animal, une puissance fantastique. Il ne représente pas la nostalgie de l'existence mais sa force qui va.

Ce récit initiatique permet de repenser les rapports de l'être et de l'eau. Cette dernière n'a rien d'un poncif allégorique. Le lecteur ou la lectrice peut éprouver sa peau fuyante.
Par elle la littérature s'ouvre, devient une expérience - parfois "philosophique" - pour atteindre le corps plus que la pensée dans un univers organique.

L'enfance, sur les rives du fleuve, apprend à nommer le monde dans une langue matière. Personne ne mettra de feuilles sur ce fleuve même si elles seraient la grandeur parfaite de l'âme des deux enfants.
Le monde est hostile mais enchanteur. Les deux enfants se battent et ne mettent pas leurs rêves sous perfusion. Leur élancement est porté par le flux du récit.
Ils n'ont pas besoin d'être éduquer : seule la lumière des "élève" depuis le bouillonnement et les eaux profondes du fleuve. Ils ne sont pas de simples herbages sur ses rives.
Tombés sur terre leurs ailes ne seront plus jamais lourdes. Et ils ne se laissent pas abattre par leur poids. Au contraire.

Jean-Paul Gavard-Perret

Helène Frappat, Le dernier fleuve, Actes Sud, janvier 2019, 240 p. - 20 €

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