"L'Impasse", le thriller psychiatrique par Aurélie de Gubernatis

"Il est sans doute très douloureux de remuer tous ces souvenirs d’un passé qu’elle a idéalisé en figeant le bonheur sur du papier glacé." 


Trente ans avant, le meilleur parti de la promotion de la Faculté de Médecine a sacrifié ses études pour elle, lui tendant sa copie d'examen grâce à laquelle elle va finir son cursus et obtenir la vie pour laquelle a toujours travaillé d'arrache-pied.  Aujourd'hui, il est devant elle, dans le service psychiatrique qu'elle dirige avec brio, sous sa responsabilité. Estelle, pour qui tout souri, va changer de vie au retour de Josselin, à qui elle doit tout. Trente ans sans s'être vu et soudain, ayant besoin de soin, c'est vers elle qu'il revient, comme pour se faire payer une ancienne dette.

 

« Il y a toujours un moment dans la vie où l’on sent que les choses ne seront plus jamais comme avant. »


Aurélie de Gubernatis, qui aime les mystères et les malédictions, dresse dans l'Impasse le portrait d'une vie maîtrisée qui va se déliter parce que le sable sur lequel elle est construite soudain remue et laisse apparaître le secret d'un passé a priori exemplaire. Dès lors que Josselin revient, plus rien n'est possible sinon avancer toujours plus avant dans la révélation. Et cette avancée devient une fuite, un road movie même, fuite loin de sa vie personnelle (son mari et son fils) et professionnelle (l'hôpital Saint-Anne) pour atteindre à cette vie qu'elle attendait mais dont le secret est lourd à payer.


« Le drame des timides, c’est que quand ils s’emballent, ils n’ont plus de limites. »


Ce roman qui commence avec la légèreté des petites histoires de bourgeoise s'enfonce petit à petit et impose une pesanteur incroyable dès lors qu'on accepte d'avancer à tâtons dans cette impasse... 


On pourrait reprocher à Aurélie de Gubernatis de vouloir trop détailler les petits éléments du quotidien, qui, au début du roman, semblent ralentir la lecture en de vaines précisions. Pourtant, ces éléments vont peser lourdement dans le récit, et être autant de stigmates d'une vie à sacrifier pour découvrir la vérité sur Josselin, son passé, la malédiction familiale, le rôle de sa mère — grande bourgeoise d'une incroyable et apparente froideur — et sa vie elle-même. Cette écriture très féminine et classique, qui s'impose lentement, avec beaucoup de retenue et un contrôle de chaque mouvement, de chaque détail, tout en ayant l'air de ne pas vouloir appuyer, est remarquable de maîtrise et de surprise. Et fait un des plaisir de l'Impasse

 

Loïc Di Stefano

 

Aurélie de Gubernatis, L'Impasse, Héloïse d'Ormesson, 384 pages, avril 2014, 20 eur

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