Henri Droguet : que vogue le navire

L’océan que chérit Droguet est autant atlantique que celui de l'amour au besoin rinventé (dit-il) cosmique et qui fait des poèmes un partage et une grâce chimérique certes, mais grâce tout de même.
Si bien que si tout n'est pas forcément vrai, le présent du poème est bel et bien réel même lorsqu'il évoque le passé et le fait s'égoutter. Il va entre vents et marées mais aussi au milieu de l’herbe partout folle / bardane ortie arroche pissenlits /des érables des trembles / des coudriers des hêtres des espèces / étrangement mauves d'où renaissent ou presque les verts paradis des amours enfantines.
Sachant faire du rien un énorme tout, Droguet poursuit ses exercice d'émerveillement sans un mélange de simplicité et de sophistication – le tout non sans ironie, paradoxes, parataxes et enthymèmes.
L'amour habite l'homme même lorsque devient "partant" – car l'âge avance. Celui-là sert de pierre angulaire à l'observation des lieux foisonnants et à la méditation sur le temps qui passe, ses vicissitudes et ce qui nous y retient encore. La mer et ses mouvements est là pour souligner des flux et reflux avec une insistance constante. 

Tout ici est autant intuitif que réfléchi dans une telle chronique vagabonde où tenir ne suffit pas. Il faut encore faire et reprendre. En dépit de certains désaveux, l'étonnement face à une certaine splendeur est de mise. Si bien que le recueil s'élève contre tous les renoncements.

Jean-Paul Gavard-Perret

Henri Droguet, Toutes affaires cessantes, Gallimard, mars 2022, 88 p.-, 12€

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