L'Amour en fragments de musique : Henri Lefebvre

Pour chacun de ses livres dans un esprit hérité de l'Oulipo, Henri Lefebvre convoque un dispositif d’écriture particulier. C'est le cas de ce long poème fragmentaire dont le titre mérite une explication. Les neumes sont des signes de notation musicale. Ils prévalaient  au Moyen-Âge avant que la portée de cinq lignes ne les remplace.
Mais le terme s’utilise aussi  pour des mélodies brèves.

Dans ce livres les 45 neumes désignent 45 silhouettes mélodiques. Elles composent une suite à lire d’un seul tenant, selon la volonté de l’auteur. Y apparaît, écrit-il, le portrait à l’estompe d’un sujet défait. À savoir une femme détachée (appelée au détachement).
 

Existe tout un jeu de proximité et d'éloignement. À mesure que l'objet s'approche il s'éloigne en un chant dont le thème ne cesse de s’ilimiter là où l'auteur s'attache à la sonorité des mots et à la musicalité du texte dans son développement.

Cette recherche "musicale" peut aller jusqu'à recouvrir le sens pour l’éteindre ou le désorienter quand c’est nécessaire. D'autant que la femme dont il est question – femme détachée – est inabordable.

L'explicite est gommé. Tout se joue dans l'intervalle des mesures comme entre celui qui écrit et la femme écrite. Rien ne peut donc advenir. Ni à soi, ni à elle. Restent deux ombres dans des trous où seuls les mots de la confusion, du trouble, du rêve résistent. Tout ce qui n'a pas sa place devient la seule doxa.


Jean-Paul Gavard-Perret


Henri Lefebvre, Neumes, L’Ours Blanc n° 30,  Éditions Héros-Limite, juin 2021, 24 p., CHF 5

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.