La première bataille du XXe siècle : "Charleroi, 21-23 août 1914"

Charleroi, première bataille du XXe siècle ?

La bataille de Verdun a confisqué toute l’attention du public intéressé par la Première Guerre Mondiale. Peu de gens savent que la plupart des pertes de nos armées durant ce conflit, l’ont été au début. Le livre  de Damien Baldin et d’Emmanuel Saint-Fuscien  vient dissiper cette ombre. 

La mobilisation

Les auteurs, dotés de la titulature nécessaire à la crédibilité, brossent  dans une première partie, le déroulement de la mobilisation. Les soldats, enrégimentés de façon régionale, montent au combat en train. Les sentiments vont de la bonne volonté à l’angoisse, en passant par un enthousiasme plus frais qu’on a pu le dire. Cela change dans le temps, notamment lors de l’accueil fait à nos troupes par des populations belges, déjà éprouvées par la brutalité allemande. Les hommes se déplacent ensuite à pied, en pleine chaleur, lourdement chargés. L’épuisement et les premiers morts viennent vite. La cavalerie se fatigue encore plus à chercher l’adversaire, se dispersant dans ses efforts, chant du cygne de son arme.

Un plan ne marche… jamais ?

Le plan français XVII déploie les troupes de Belfort à Maubeuge. Le plan allemand  Schlieffen décide de faire un grand coup de faux vers Paris, en violant une neutralité belge pourtant reconnue par les Prussiens en 1839. Joffre ne pense pas que la poussée par la Belgique puisse être l’axe principal d’attaque de l’ennemi, tout à la préparation de son offensive en Lorraine. La 5e armée de Lanrezac, flanquée à sa gauche du corps de cavalerie de Sordet, avance à partir du 5 août en direction de la Sambre.

Un accouchement difficile

Chaque camp tâtonne. Après l’attaque allemande du 21 août, Les Français chargent à l’aveuglette, comme au temps de Napoléon, droits, très visibles, sans liaison latérale, sans soutien d’artillerie faute de coordination. Les pertes sont effroyables entre le 21 et le 23 août 1914. L’artillerie lourde allemande provoque un choc d’autant plus traumatique qu’il est inattendu. Malgré les nombreux observateurs, envoyés par la France, pour étudier les conflits modernes, les enseignements n’ont pas atteint les troupes en opération. Des officiers supérieurs perdent "les pédales" pendant que des officiers subalternes, bravaches (on pense à Charles Péguy quelques mois plus tard), se font tuer bêtement sans qu’on leur accorde la moindre souplesse sur le terrain. Le 23, Lanrezac, menacé d’encerclement, prend l’initiative d’une retraite qui s’achèvera avec le "miracle de la Marne" en septembre.
 
En accord avec le fonctionnement des armées, et selon les auteurs, Joffre se décharge largement sur ses subalternes de toutes les insuffisances et destitue nombre d’officiers supérieurs, alors affectés dans la région militaire de Limoges (d’où le verbe "limoger"). La France accouche dans la douleur de la guerre moderne. Le bébé deviendra la première armée mécanisée,  en 1918.

Les auteurs ont utilisé pour l’essentiel des témoignages français, soulignant que la bataille de Charleroi n’a que des sources éparses voire rares, emportée qu’elle fut par les évènements majeurs qui lui ont succédé. En lisant cet ouvrage on peut éprouver un sentiment double : rester sur sa faim tout en louant le travail accompli. L’aspect "bataille" aurait mérité un développement que les contraintes éditoriales ont peut-être interdit.

Didier Paineau 
Damien Baldin et Emmanuel Saint-Fuscien, Charleroi, 21-23 août 1914, Tallandier, "L'Histoire en Batailles",  septembre 2012, cartes, index ad hominem, sources et notes. 221 pages, 18.50 euros


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1 commentaire

Intéressant, cette partie-là de la première guerre mondiale fait peu l'objet de livres ou de recherches généralement.