"Robespierre", l'homme derrière la Terreur

L’historien face à la Terreur

 

De Jean-Clément Martin, historien spécialiste de la Révolution, le public des amateurs a surtout retenu les polémiques avec Reynald Secher sur le débat sur la Vendée (peut-on parler de Génocide ? Ou de crimes de guerre ?). Son travail sur la compréhension de la violence et le rôle joué par la religiosité dans le processus révolutionnaire en est du coup occulté. Martin appartient à un courant d’historiens pour qui la compréhension de la Terreur a été une obsession, son Robespierre ne parle d’ailleurs que de ça.

 

Robespierre, un parmi d’autres

 

Cette biographie ne recensera pas les rumeurs ou les turpitudes supposées de Maximilien. Jean-Clément Martin s’efforce d’offrir le portrait le plus proche de ce que fut la réalité de Robespierre, élève studieux puis jeune avocat à Arras. Pétri de culture classique en même temps que représentant typique de cette bourgeoisie qui grandit par et malgré l’Ancien Régime, Robespierre se fait élire représentant du Tiers et part à Versailles. Il se fait remarquer par son zèle de patriote, sa méfiance vis-à-vis de la Cour et aussi par sa capacité à tenir des discours brillants sur les grands principes de la Révolution. Mais il n’est pas le seul. Robespierre appartient en fait partie à une génération dont il est le représentant archétypal.

 

L’avocat du peuple

 

Proche de Mirabeau à ses débuts puis de Pétion, Robespierre défend sans cesse le peuple, y compris dans ses débordements. Martin rappelle qu’il n’occupe pas de fonctions exécutives et qu’il se contente d’exercer le ministère de la parole (en subissant la concurrence de Marat). En 1792, c’est Danton puis les girondins qui occupent le devant de la scène. Au sein du comité de salut public, Robespierre doit sans cesse composer, selon notre historien, avec ses collègues. Robespierre, selon son biographe, bénéficie d’une grande popularité (moins forte en 1793-94) grâce à ses prises de position mais, dans les faits, doit sans cesse batailler pour imposer ses vues à la convention. Et, effectivement, on est impressionné par le temps qu’il passe à discourir, plaider devant ses collègues députés ou à la convention.

 

La loi de Prairial en débat

 

Là où notre historien finalement déçoit, c’est sur son interprétation de la loi de Prairial, dite de la grande terreur. Martin y voit une loi où, à travers un discours violent, la convention essaie de réorganiser le processus judiciaire et d’en reprendre le contrôle. Or, si on suit Patrice Gueniffey dans La politique de la Terreur, la loi de prairial donne surtout l’occasion d’une ultime radicalisation du tribunal révolutionnaire, où le suspect n’a plus de droit à la défense. 1374 personnes seront exécutées entre juin et août 1794, soit plus que sur les 12 mois précédant la loi. Jean-Clément Martin semble de plus sous-estimer le rôle de Robespierre dans l’élaboration de cette loi. Fut-il piégé par des conventionnels comme Tallien et Fouché dans une surenchère terroriste ?

 

Autant nous comprenons bien que Robespierre servit de bouc émissaire pour ses anciens collègues désireux d’oublier leurs turpitudes, autant son rôle dans la radicalisation révolutionnaire, tant dans le discours que les actes, paraît ici minimisé. Comme si estimer que Robespierre n’était qu’un parmi d’autres (approche méthodologique complètement défendable) diminuait sa responsabilité dans les événements révolutionnaires qui, comme le conclut Jean-Clément Martin, ne pouvaient bien sûr être contrôlés par un groupe d’hommes, voire un seul.

 

A lire et à confronter avec les vues de d’autres historiens.

 

Sylvain Bonnet

 

Jean-Clément Martin, Robespierre, Perrin, janvier 2016, 400 pages, 22,50 €

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