Albert Londres, Correspondant de guerre

Albert Londres est une conscience qui va vérifier sur le terrain si ses convictions sont bonnes, si son flair est affûté et, le plus souvent, il trouve ces vérités que la plupart n'auraient pas cherchées... Ses premières armes, il les fait comme correspondant de guerre pour le Petit Journal, il apprend son métier au contact des hommes qui meurent et toute sa vie sera engagée dans cette exigence personnelle de « porter la plume dans la plaie » et de servir, autant que peu, ceux qui ne peuvent s'exprimer seuls. Il hausse la conscience journalistique à un sommet qui est l'utopie de nos tristes contemporains, et dont il a fait, par l'engagement de toute une vie, son quotidien.

« Je voulais me démener sur le papier »

Du 15 juillet 1917 au  22 septembre 1917, Albert Londres est sur le front, devant Craonne, en Flandre, surplombant les ruines fumantes de la cathédrale de Saint-Quentin, devant la tristement célèbre cote 304 ou celle du Mort-Homme, et toujours aux côtés des soldats, car il prévient dans son premier article que ceux de l'arrière ne sont pas ses lecteurs, ceux du moins pour lesquels il prend soin d'écrire avec autant d'âme, comme pour témoigner, être la voix de cette « petite armée française » qui est dans la boue comme son vêtement coutumier, face aux lance-flamme des Boches, toujours avancer jamais de repos. Le soldat et la France, cette éternelle à laquelle il rend hommage en magnifiant par la beauté de ses récits le sacrifice de ses enfants, l'abnégation des Poilus, sont au cœur de ses textes quotidiens. Les tactiques militaires, les gradés, les planqués, cela n'est pas son affaire. Il est là pour ceux qui, sans plus de fleur au fusil ni autre sot ramage, savent qu'ils doivent juste encore un peu tenir debout, plier mais ne pas rompre, et, au risque d'une mort toute proche et cent fois par jour évitée de peu, gagner mètre par mètre du terrain sur le Boche. Jusqu'à la victoire, sans doute si modeste mais tant coûteuse en homme et en efforts que les survivants, défilants crasseux devant les autorités de France et de Belgique, sont les plus beaux des héros.

« Nos canons ont mastiqués le terrain »

Sans afféterie, Albert Londres impose un ton à la fois proche et puissant, qui, dans chaque mot, chaque image qui illustre son reportage avec toujours beaucoup de justesse et beaucoup de force, n'est là que pour rendre un hommage déchirant aux Poilus. Et la voix légèrement granuleuse du comédien Marc De Roy est comme le complément nécessaire, sa lecture porte le texte et non seulement le rend vivant, mais lui donne une envergure imposante, celle des vieux conteurs qui tiennent leur auditoire toute une nuit. On écoute, on plonge sans pouvoir se retenir, porté par cette voix magnifique qui sert avec beaucoup de justesse dans le « jeu » ce texte d'une portée historique et littéraire de premier plan et, plus que tout, d'une grande humanité.


Loïc Di Stefano

Extraits et compléments à écouter sur le site de l'éditeur, Autrement dit.

Albert Londres, Correspondant de guerre, lu par Marc de Roy, Autrement dit, CD Audio, durée 1h15, 19,99 euros

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