1711-1712, l'année ses quatre dauphins prétendant au trône de France

Le plus grand roi d’Europe

Quelle gloire que celle de Louis XIV en 1711 ! Le premier d’Europe, par sa longévité, il est roi depuis 68 ans, la grandeur de sa famille, il est arrière grand-père, par sa puissance, l’Espagne est aux Bourbons (in extremis) et rompt le vieil encerclement habsbourg. Rien ne semble pouvoir arrêter cette puissance. C’est cependant ce qui arrive en 1711-1712, l’année tragique comme la nomme Olivier Chaline. La dynastie du vieux monarque est à un souffle de disparaître…

La mort du fils aimé

Olivier Chaline est professeur d’Histoire moderne à Paris IV-Sorbonne. Après avoir consacré un gros ouvrage à Louis XIV, paru dans la même collection, il s’attarde sur le drame fulgurant qui assombrit les dernières années du monarque. Louis  est profondément attaché à sa famille. Son fils, le Grand Dauphin, qu’on nomme Monseigneur, est un gros garçon peu doué pour les études mais joyeux compagnon et mécène averti, chasseur infatigable et courageux à la guerre. Son insistance à un moment clef, auprès du roi, permet à l’Espagne de rester bourbonne. Son père le considère comme un ami précieux auquel il peut tout dire et cet amour est réciproque, n’en déplaise à cette vilaine concierge de Saint-Simon. En route vers sa résidence de Meudon, Monseigneur croise le curé de Chaville apportant le Seigneur à un mourant. Il fait arrêter sa voiture pour se prosterner devant le corps du Christ ! Nous sommes le mercredi 8 avril 1711 ; le jeudi, il est malade, le vendredi, le roi s’installe à Meudon dans la résidence de son fils… Le 18 avril suivant, il est mort,  à 49 ans, d’une forme foudroyante de petite vérole (variole).

Le malheur s’acharne

Le duc de Bourgogne, fils du dauphin, devient dauphin à son tour. On débat en conseil de la légitimité du duc à porter un titre réservé normalement au fils ainé du roi. Tout le monde pleure, le roi ne réussit pas à dominer sa douleur. Sa santé se dégrade comme en témoigne le journal de la santé du roi tenu par son premier médecin Fagon. Le 12 février suivant c’est au tour de la duchesse de Bourgogne de s’éteindre. C’est un nouveau coup dur pour le roi car la jeune femme enchantait la cour par sa joie de vivre qu’elle menait avec talent. Le duc pleure avec son grand-père. Il est si affecté qu’il tombe malade à son tour et la suit de peu dans la tombe. Tout le monde regrette ce prince pieux et doux, riche de promesses de réforme (mises sans doute en application avec la polysynodie, gouvernement appuyé sur l’aristocratie par le régent Philippe d’Orléans entre 1715 et 1718), admiré par son aïeul. Louis XIV veille de façon minutieuse aux rites religieux. Il reçoit son arrière petit-fils : « je n’ai  donc plus que vous. » Et l’enfant, duc de Bretagne, cinq ans, meurt à son tour dans la nuit du 8 au 9 mars 1712. Le vieux roi pense expier par ces deuils successifs les péchés de sa jeunesse. Il s’appuie sur sa dernière épouse Mme de Maintenon qu’il surnomme « Votre Solidité », et supporte sa peine par le travail qu’il accomplit toujours avec une régularité de métronome, par les longues promenades dans la nature où il se ressource comme le géant Antée. Le royaume, en proie à la guerre et aux rudesses du climat, lui donne bien du souci. La rumeur accuse le neveu du roi, dont le cynisme athée est atténué par la bonté du cœur, d’avoir usé de poison pour se rapprocher du trône. La foule menace mais il est blanchi par le corps médical ayant pratiqué les autopsies.

Le dernier espoir

Tout repose désormais sur le duc d’Anjou, futur Louis XV, né en 1710, d’autant plus que son oncle le duc de Berry meurt en 1714. La victoire du maréchal de Villars à Denain en 1712 permet de conclure la guerre de succession d’Espagne dans un sens favorable à la France, alors que l’ennemi maraudait dans les environs de Versailles. Louis XIV sait qu’il ne pourra pas former le futur Louis XV, aussi recommande-t-il à son « Mignon » d’aimer Dieu, de soulager ses peuples en ne faisant pas la guerre autant que lui… Leçon de toute une vie et non simple propos de circonstance.Beaucoup de compliments et quelques reprochesLa plume d’Olivier Chaline est agréable. On peut reprocher à l’ouvrage un plan un peu difficile d’accès au profane, d’autant plus qu’un arbre généalogique n’aurait pas offensé les contraintes éditoriales. Une coquille amusante : Olivier Chaline cite l’historien prolixe du XIXe siècle Lavallée en le prénommant Théodore au lieu de Théophile… Voici une histoire qui entre dans le détail, et cela fait du bien. Le lecteur sera heureusement saisi par le décalage culturel entre cette époque et la nôtre, notamment par la foi ardente qui anime les personnages.

Didier Paineau 

Olivier Chaline, L'Année des quatre dauphins, Flammarion, "champs histoire", août 2011 (1re édition octobre 2009, Flammarion, "au fil de l'histoire"), 218 pages, 8 euros

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