"La leçon d’Althusser" de Jacques Rancière
Puisse se livre mettre (enfin !) en lumière la campagne
de destruction menée par les élites depuis les fin des années 1970.
En 1974, Jacques Rancière examinait la leçon de marxisme donné par
le philosophe Louis Althusser à un collègue anglais et en faisait l’occasion
d’un bilan sur l’althussérisme lui-même.
Althusser avait imposé, dans les années 1960, l’idée d’un retour à la pensée
originelle de Marx, en phase avec les formes nouvelles de la pensée
structuraliste (ethnologie de Lévi-Strauss, psychanalyse lacanienne,
archéologie du savoir de Foucault) mais aussi avec les nouveaux espoirs
révolutionnaires qui secouaient la planète à l’heure des luttes de
décolonisation et de la révolution culturelle chinoise. Or, les événements de
1968 avaient montré le total décalage de ce marxisme renouvelé par rapport aux
aspirations portées par les mouvements de la jeunesse et aux formes prises par
la mobilisation populaire...
Ce livre s’attachait à dégager les conditions de ce renversement en examinant
le cœur politique de la philosophie althussérienne, l’opposition de la science
et de l’idéologie, à la lumière de l’histoire récente mais aussi à celle de la
tradition ouvrière et révolutionnaire.
Ce texte - devenu introuvable - est aujourd’hui réédité avec une préface de l’auteur qui le rapproche de l’actualité. Son livre, qui déclarait la guerre à la théorie de l’inégalité des intelligences est au cœur des prétendues critiques de la domination. Rancière y déclarait que toute pensée révolutionnaire devait se fonder sur la présupposition inverse, celle de la capacité des dominés... N’est-ce pas flagrant à la lecture des derniers événements qui secouent notre pays ? Son livre partageait la vision alors répandue de la Révolution Culturelle comme d’un mouvement antiautoritaire, opposant la capacité des masses au pouvoir de l’Etat et du Parti... Les polémiques qui accompagnèrent sa sortie sont, elles aussi, d’actualité car la violence avec laquelle aujourd’hui les intérêts d’une infime minorité s’opposent à ceux de l’immense majorité des humains, est tellement criante que l’on ne comprendrait pas que le Parti de gauche ne soit pas au second tour de l’élection présidentielle...
Puisse se livre mettre en lumière cette vaste campagne de destruction menée par les élites qui, depuis les fin des années 1970, ont entrepris de supprimer tous les acquis des mouvements populaires et d’entraver toute idée d’émancipation. Or, cette contre-révolution rampante a recyclé à son unique profit tous les thèmes de la pensée marxiste. Ainsi, La leçon d’Althusser mettra en lumière le mécanisme fondamental de ce processus et anticipe le travail que Jacques Rancière mettra à profit en publiant La Haine de la démocratie et Le Spectateur émancipé.
Lire ce livre participe donc à aider à la compréhension du présent et à la
reformulation d’une pensée de l’émancipation.
Annabelle Hautecontre
Jacques Rancière, La Leçon d’Althusser, La Fabrique éditions,
février 2012, 270 pages, 14,00 €
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