Eric Hazan confirme avec "Paris sous tension" que la capitale glisse vers un destin autre que celui attendu par les oligarques au pouvoir

Hé oui, Balzac avait raison. Le "vieux Paris disparaît avec une effrayante rapidité" ! Baudelaire aussi le constatera. La percée du boulevard Haussmann le concrétisera. Adieu passages du Thermomètre et du Baromètre. Ne resteront que les photos de Marville pour en témoigner... Les textes ici rassemblés ne se situent pas dans cette lignée. Il n’y aura donc pas de larmes à verser. Exit la nostalgie. Cependant les thèmes abordés seront variés : historique, littéraire, urbanistique voire colérique. Car de cette analyse cohérente ressort bien une volonté politique. Et c’est cela qu’il faut dénoncer !

Eric Hazan n’est pas connu pour manier la langue de bois. Qu’elle soit la sienne ou qu’il publie celle des autres. Une fois encore il met les pieds dans le plat. Sa "conviction est que Paris est encore ce qu’il a été pendant plus de deux siècles : le grand champ de bataille de la guerre civile en France entre aristocrates et sans-culottes - et peu importe les noms qu’on peut leur donner aujourd’hui". Faut bien reconnaître qu’en 2011 la bataille se déroule à Barbès, Beleville et à la gare du Nord. Mais au-delà du périphérique la terre brûle aussi ! Ainsi, la critique ira de pair avec la volonté de détruire. Car quand il y a injustice seul le glaive remettra les pendules à l’heure.


Tous ceux qui disent du mal de Paris disent vrai ! Les rues chics ressemblent à des duty free d’aéroport. L’apartheid entre riches et pauvres ne se cachent plus. L’ambiance est à la grisaille malgré les tentatives de bling-bling qui ne trompent plus personne... La rénovation, cet horrible mot, cache une lutte à mort. Repousser toujours plus loin les pauvres. Installer des bars branchés. Des magasins de fringues. Transformer physiquement Paris. Mener une lutte incessante entre l’esprit du lieu et l’esprit du temps.

La crise étant passée par là, le projet du Grand Paris est abandonné. Adieu gyroscope qui repoussait les pauvres dans un mouvement circulaire leur interdisant l’accès au centre-ville. Surtout ne pas les voir après qu’ils aient effectué leur travail de caissières ou de vigiles.

Grâce à l’effondrement des bourses l’osmose a donc une chance. Une toute petite chance de s’établir. Les quartiers populaires (Montmartre, Charonne, Belleville, Ménilmontant) se maillent avec les bastions prolétaires (Gennevilliers, Saint-Denis, Aubervilliers, Les Lilas). Des deux côtés du périph’ la lutte est désormais la même. Faut dire qu’il suffit de prendre le métro pour se retrouver. Comme le disait Hugo, Paris n’est qu’une crue perpétuelle.

Eric Hazan nous démontre combien l’histoire de Paris s’est ancrée. Et comment elle risque de se rejouer. Avec une autre finalité que celle attendue par les oligarques au pouvoir qui ne pourront rien pour l’arrêter.


Annabelle Hautecontre 


Eric Hazan, Paris sous tension, La fabrique éditions, mars 2011, 125 pages, 12,00 €    

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