Hélène Becquet rend sa dignité à une oubliée de l'Histoire, "Marie-Thérèse de France" l'orpheline du Temple, fille aînée de Louis XVI

Hélène Becquet a toute  la titulature universitaire nécessaire pour nous livrer un ouvrage sérieux. Le sujet en est bien triste. Il s’agit de Marie-Thérèse de France, fille aînée de Louis XVI, popularisée sous le nom de Madame Royale par André Castelot  notamment.D’une cage dorée…À toutes les petites filles qui rêvent de devenir princesse, il faudrait faire lire les premières pages de ce livre ou méditer sur le portrait de Marie-Thérèse peint  par Füger  et mis en couverture. Une fille de France ne s’appartient pas. Si son frère est le lys de la cour, elle en est la rose, l’ornement. Force à l’auteur de conter un contexte, même si un vent « préromantique » conduit la famille royale à devenir plus sentimentale.

À une prison sordide

L’enfant est bousculée par les évènements de la Révolution ; elle perd tout statut juridique avec la monarchie parlementaire. Elle n’est plus que la fille de ses parents. Enfermée au Temple est séparée de ses parents et de sa tante, dont elle apprend l’exécution avec décalage. Elle vit les atermoiements du traitement qu’on lui inflige, fruits de l’ambivalence d’une condition qu’elle subit, étant à la fois un objet de haine et un enjeu politique. Le chaud succède au froid, et l’image fabriquée de l’orpheline du Temple n’est jamais qu’une image.

Un faire valoir

Elle est libérée de corps en 1795, mais pas d’esprit…  Hôte de la cour autrichienne à laquelle sa mère se rattache, elle s’y sent heureuse. Louis XVIII la récupère et l’instrumentalise. La misère infligée à l’innocence est un élément constant de la propagande royaliste. Elle rejoint le gros roi à Mitau où ils vivent des largesses du tsar. Elle épouse son cousin, fils du comte d’Artois, le duc d’Angoulême. Le mariage restera stérile. Le tsar se lasse, la misérable cour part en Angleterre. La reconnaissance de Louis XVIII n’est pas du tout une évidence, il n’y  a pas de solidarité entre les rois.

Le seul homme de la famille (Napoléon) ?

En 1814, la duchesse est une pièce maîtresse du royalisme qui a bien besoin de «  redorer son blason ». En effet, les royalistes ont souvent combattu les armées françaises, le roi est ramené dans les fourgons de l’étranger, on a un gros roi impotent… Marie-Thérèse représente à la fois la continuité du sang des Bourbons, c'est-à-dire la légitimité et la victime immaculée qu’on révère. Sa personnalité est difficile à entrevoir derrière l’icône. L’image pieuse de la princesse digne et éplorée par les malheurs d’un auquel elle reste fidèle est popularisée par Chateaubriand dans son « De Buonaparte et des Bourbons ». En 1815 alors que les hommes de la famille partent, elle s’acharne à organiser la résistance de Bordeaux pendant les Cent-Jours. Les troupes impériales ralentissent pour lui permettre de fuir après avoir essayé jusqu’au dernier moment de pousser ses soldats à honorer le serment qu’ils lui ont fait. De retour en France, en juillet, elle épouse le parti ultraroyaliste, considérant que le retour de Napoléon est imputable à la trop grande mansuétude de Louis XVIII. L’arrivée de Marie-Caroline, épouse du  beau-frère  de Marie-Thérèse, rend la position de cette dernière inconfortable, d’autant plus qu’elle accouche d’un héritier. Les querelles entre les deux femmes sont lancinantes. Marie6Thérèse confisque l’éducation de l’héritier. Cette situation deviendra définitive après le pitoyable épilogue de l’aventure vendéenne de Marie-Caroline (voir sur le site l’article « la Vendée et Madame »). En juillet 1830, la duchesse n’est pas à Paris, elle enjoint le roi Charles X à ne prendre aucune décision importante en son absence. Il passe outre, la révolution balaye un roi qui se défend mollement. Marie-Thérèse passe les vingt et une dernières années de sa vie en exil… Elle attend un retour de fortune sans chercher à le provoquer. Ses liens avec les légitimistes sont ténus et on ne se soucie guère de propagande. Avec elle disparaît le vrai lien entre la France et ses rois, un lien charnel.

Un livre intéressant qui éclaire des épisodes peu connus de l’Histoire de France ; on reste un peu déçu par le voile qui recouvre toujours la personnalité de Marie-Thérèse… Une vie de représentation…

Didier Paineau 

Hélène Becquet, Marie-Thérèse de France, Perrin, février 2012, 414 pages, annexes, index, 24 euros

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