Jean-Jacques Antier et le mystère "Marthe Robin"

Marthe Robin : la Française du siècle ?

Assez curieusement on peut avoir l’angoisse de la page blanche pour présenter un livre, de poche, dont on aurait presque envie de dire bréviaire, tant il est troublant et mériterait d’être lu plusieurs fois.

Une petite paysanne ordinaire

Il s’agit de ces livres qui soulèvent plus de questions qu’ils n’en résolvent, destiné avant tout aux esprits forts. Imaginez une petite fille qui naît en pays de Galaure, dans une région déchristianisée, dans une famille tièdement catholique. Nous sommes en 1902, la petite se nomme Marthe Robin. Inutile de s’attarder sur une enfance paysanne banale et âpre, sauf pour préciser qu’elle ne s’encombre guère de « bondieuseries ». La petite ne réussit pas à passer son certificat d’études, sa santé est fragile et ses dispositions scolaires limitées. Sa Première Communion la marque.

Dès 1918, sa vie bascule. Sa santé s’altère de plus en plus, maux de tête, douleurs aux yeux, évanouissements… Conséquences de la fièvre typhoïde qui l’a touchée en 1903 ? La médecine est incapable d’établir un diagnostic clair. La paralysie des jambes s’ajoute bientôt  à ses problèmes. Rémissions et crises alternent. Elle entre de longs moments en état de léthargie. La visite des curés ne change rien. Une famille paysanne à la vie précaire se trouve alourdie par une charge de plus, voilà tout.

La rencontre divine

Une nuit de mai 1921, sa sœur Alice qui partage sa chambre, perçoit une grande lumière et demande, effrayée, si Marthe l’a vue aussi. Marthe répond par l’affirmative et rajoute qu’elle a vue aussi la Vierge. Marthe éprouve un bouleversement mystique sur lequel elle restera toute sa vie très discrète. Sa santé s’améliore mais se dégrade à nouveau en novembre. Elle brode pour compenser les frais que son impotence occasionne à sa famille. Et elle se met à lire, à lire, luxe inouï dans cette campagne où on a vraiment autre chose à faire.

En 1923, un nouveau curé arrive dans la paroisse : l’abbé Faure. C’est un artisan de la religion, ascète mais nullement mystique. Le courant ne passe pas avec cette malade inexplicable. Il pense qu’elle s’écoute et ne l’encourage en rien dans son ressenti religieux inhabituel. Notons qu’il ne s’y fera jamais et qu’il ne méritait pas ça ! Marthe ne lui facilitait pas la tâche : elle entre dans la nuit de l’esprit, celle du refus de la souffrance… Jusqu’au jour ou elle laisse sa place à une autre malade pour le pèlerinage à Lourdes. Alors, la paix, la Grâce (elle a lâché comme dirait Catherine). Elle ne parle pas d’elle ni de ses souffrances. Elle dort de moins en moins et ne mange ni ne boit à mesure que les années passent. Elle rédige un acte d’abandon à Dieu… Qui s’achève par un bouleversant « aidez-moi ! »

« Pourtant elle n’a rien fait de mal ! » s’indigne son père.

Elle raconte que Sainte Thérèse lui a interdit de mourir, la « coquine » dit-elle. Sa mission est autre. Elle s’offre à l’Amour de Dieu et y devient plus propre à mesure qu’elle est plus faible, sans désir, sans vertu… Comme c’est difficile à comprendre ! Plus le temps passe et plus la déchéance physique de Marthe est totale. Le Père Faure en est désespéré, que peut-il faire avec un numéro pareil ! 1930, à la suite de la demande de Jésus, elle en reçoit les stigmates ! Chaque vendredi, elle revivra la Passion du Christ. Sa mère qui lave le linge en est profondément traumatisée… On dira, inopinément, le Père Finet, un Lyonnais, vient relayer le malheureux Faure au chevet du phénomène.

Le Père Finet et la mission

Encore un curé à cent à l’heure mais celui-la, elle l’attendait ! Elle lui révèle des événements de sa vie qu’elle ne peut pas connaître… Il sort de chez elle complètement conquis et bouleversé. Il sera sa conscience et sa main. Elle vit une expérience de poète : »n’est-ce pas sur les ruines de la santé que l’âme ressuscite ? » Sou s les directives de Marthe, il crée les foyers de charité destiné à fortifier la foi, voire à la retrouver. L’Adversaire se manifeste ou en tout cas des phénomènes mystérieux de bruits, d’objets déplacés se produisent dés l’inauguration, devant foule de témoins… Marthe dira toujours posément les nombreuses attaques du démon dont elle a été l’objet, comme des dents cassées par un coup inexplicable chez quelqu’un de paralysé…

Le mystère reste total !

La science et la médecine sont impuissantes face à cette femme. Elle ne devrait pas vivre, sans manger, sans boire, avec la seule hostie pour tout aliment. Elle ne peut avaler qu’elle ; d’ailleurs cette dernière est littéralement aspirée ! Devant des gens qui n’y croient pas une seconde ! La souffrance est évidente et inexplicable, elle saigne sans plaie ! Les médecins notent les coïncidences de l’aggravation de la maladie avec certaines fêtes religieuses. La psychiatrie ne peut conclure à une forme d’hystérie, quant à la simulation, elle s’écarte toute seule…

Alors quoi ? Un mystère assurément, passionnant… Les procès en béatification sont très longs et l’Eglise est beaucoup plus méfiante que ne le croient les rationalistes…


Didier Paineau 

Jean-Jacques Antier, Marthe Robin, Perrin, "Tempus", mai 2006, 383 pages, 10,50 euros

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