La Triste fin de Napoléon III, qui passe "L’Été en enfer" dans le très beau récit de Nicolas CHaudun

Nicolas Chaudun est un historien de l’art et un éditeur né en 1962. Il nous livre dans un ouvrage délicieux et
 poétique la chute de Napoléon III en 1870. S’il se nourrit aux meilleures sources des témoignages de l’époque, l’auteur tourne délibérément le dos à une analyse historique globale du conflit, préférant nous livrer un récit poétique et esthétique du drame personnel de l’Empereur. L’angle de vue est prenant et apporte une pierre de qualité à un genre souvent délaissé et méprisé. Le style de l’auteur est d’une élégance rare.

Un empire aux pieds d’argile

Après avoir rappelé que la débâcle, selon Zola, de 1870 avait été bien oubliée au profit de celle de 1940, le rideau s’ouvre sur le portrait d’un Napoléon III paradoxal. La maladie le mine, migraines, hémorroïdes et surtout des calculs dans les reins, la maladie de la pierre. Il songe à abdiquer en faveur de son fils qu’il adore, en 1874… Mais dans le même temps, en prenant un virage libéral, très largement plébiscité, son empire semble être au sommet de sa puissance. L’opium le plonge dans un état second. Il ressemble à un spectre au centenaire de la naissance de son oncle. On le soigne en cachette, parfois de nuit, car la Bourse oscille volontiers sur le bord du gouffre quand les nouvelles de sa santé sont mauvaises.

L’Affaire espagnole

La paix règne en Europe. Un événement vient la mettre ne péril : l’affaire de la succession d’Espagne. Le trône étant vacant on songe à y installer un Prussien, un Hohenzollern. C’est la mode d’appeler des princes allemands à régner sur des pays parfois improbables, en ce siècle… La France qui a tant peiné à rompre l’encerclement Habsbourg par le passé, n’entend pas accepter cette perspective. Le roi de Prusse, débonnaire, accepte de dissuader son parent d’accepter le trône, au grand dam de son ambitieux ministre Bismarck. Napoléon III déteste la guerre. Tout paraît apaisé. Hélas, l’opinion et l’orgueilleuse impératrice Eugénie entendent obtenir des garanties. Bismarck saute sur l’occasion pour provoquer insolemment la France (affaire de la dépêche d’Ems). Le parti belliciste pousse à la guerre. Napoléon suit…

La Suffisance française

L’armée réformée par Niel serait prête et les fanfaronnades se bousculent du haut en bas du pays. Un souffle suffira à balayer la Prusse et les états allemands qui la rejoignent. L’empereur n’aboie pas avec les roquets et blêmit quand les états catholiques du sud de l’Allemagne, notamment la Bavière, joignent leurs forces aux Prussiens. Qu’importe ! Rien ne semble trop gros à l’appétit des vantards. Le rassemblement se fait sur les zones frontières, dans un désordre indescriptible. On distribue des cartes aux officiers, de grossières cartes d’Allemagne, pas une seule de l’est de la France ! Pourquoi le ferait-on ? On ne compte pas s’y battre, à Berlin !

Cafouillage

Le réveil est douloureux. Les engagements succèdent aux batailles et la défaite est toujours au rendez-vous. L’empereur est incapable de commander. On le traîne comme un « boulet d’or », flanqué de son cousin Plon-Plon, brillant, râleur, et de son adolescent de fils qui ne rêve que de se battre. L’empereur souffre trop. Il éloigne son fils et se débarrasse de Plon-Plon en le chargeant de faire fléchir le gouvernement italien pour qu’il vienne aider la France ; ambassade qu’il sait inutile. Les généraux ne s’entendent pas, la troupe est héroïque mais se fait balloter, de revers en disette, et, elle commence à grogner contre ses chefs, d’abord, l’empereur ensuite. Bazaine se fige dans Metz. Mac Mahon  tente de prendre les Allemands sur le flanc dans leur marche sur Paris ;  la manœuvre est éventée par l’indiscrétion des journaux français ! L’impératrice Eugénie, régente, ne veut pas de Napoléon à Paris. Elle le veut mort ou vainqueur ! Le « boulet » traîne son martyr, sa lucidité bâillonnée par la douleur, de cheval en méchant chemin, le cul alourdi par des serviettes qui épongent son sang. Il pisse du sang, que du sang. Une lavandière qui le voit passer s’exclame que ce n’est pas un empereur ça, c’est une bête !

La vie plutôt que le panache…

Le dénouement de cette histoire lamentable a lieu le 3 septembre 1870 à Sedan. L’armée est encerclée à Sedan et tente de se libérer. Trois chefs se succèdent dans la même journée : Mac Mahon, Ducrot puis Wimpfen… Gabegie toujours. Panache aussi, inutile. Galliffet charge avec ses chasseurs à travers d’un relief impossible. Le roi de Prusse, qui observe la bataille à la lorgnette, s’écrie : « Oh les braves gens ! » C’est un massacre. Napoléon fait hisser le drapeau blanc. Il ne veut pas de morts inutiles. Il faut des heures pour que les furieux lui obéissent. Wimpfen en démissionne. Le Larousse stigmatisera cette décision, parlant des généraux indignés par la décision impériale, tout n’aurait pas été tenté…

Prisonnier, Napoléon ira mourir en Allemagne, gagnant quelque temps grâce à la rémittence de sa maladie. Encore sur son lit de mort, il demandera s’il n’a pas été lâche de refuser un carnage inutile : « mon cœur se refuse à ces sinistres grandeurs ». Eugénie pleure, crie, personne ne songe même à l’empêcher de partir en Angleterre. Napoléon III aurait pu être un César père des libertés et laisse le souvenir d’empereur de carton-pâte, songe l’auteur ; une injustice… Son fils, après un passage en Belgique, rejoint sa mère en Angleterre. Il meurt tué par les Zoulous en 1879, dans l’armée anglaise…

A lire. Le texte fait oublier la pauvre carte et les quelques illustrations de mauvaise qualité.


Didier Paineau
 

Nicolas Chaudun, L'Eté en enfer, Actes sud, janvier 2011, 180 pages, 19,80 euros

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