" La Chute de l'Union Soviétique" 1982 - 1991

Il y a — déjà — vingt ans se disloquait le grand empire communiste. Aucune entité géopolitique n’avait suscité autant de haine et d’espoir de par le monde et sur une période aussi longue. Andreï Kozovoï revient donc sur la dernière décennie de l’URSS, dix années lors desquelles personne ne voulait se risquer à prédire la fin alors même que catastrophes diverses et réformes iconoclastes s’enchaînaient à un rythme toujours plus frénétique. Kozovoï part des lugubres dernières années de la période Brejnev pour décortiquer ce processus de déconstruction qui mènera, in fine, à la démission de Gorbatchev alors que l’URSS n’existe déjà plus. S’il passe en revue les courts règnes d’Andropov et de Tchernenko tout en remettant opportunément en question quelques idées reçues, c’est surtout sur la perestroïka et la rivalité Gorbatchev – Eltsine que l’auteur se focalise. Combats de coqs au sommet de l’Etat, économie moribonde, pénuries en tout genre de plus en plus systématiques alors que les hiérarques tentent de repenser leur régime, progression fulgurante de la criminalité, populations alternant entre désarroi et désillusions cyniques… Cette sinistre période est d’autant plus intéressante qu’elle n’aura pas totalement décrédibilisé le communisme dans l’esprit de certains. Car la fin de l’Union Soviétique, c’est aussi le début de l’ère des oligarques et de l’exaspération des écarts dans la redistribution des richesses.  

La lecture de cet ouvrage est évidemment passionnante. Kozovoï réalise une peinture assez exhaustive et sensée de la décadence de l’Union Soviétique. Grâce à de vastes connaissances, bien sûr, mais aussi à une analyse jamais dogmatique et à un surprenant réservoir d’anekdoty (histoires drôles) soviétiques qui viennent illustrer de manière plaisante l’état d’esprit de la population de l’époque. Par ailleurs, fait rare dans les ouvrages écrits par des universitaires, on a la (bonne) surprise de trouver ici un grand nombre de liens internet qui viennent colorer un peu toutes les sources qui ont été utiles à la rédaction de ce livre. 

Il est vrai que pour certains, le livre de Kozovoï pourrait sembler un peu succinct. On peut regretter, par exemple, qu’il n’étudie pas les conséquences de l’ère Khrouchtchev. Certes, les dates en titre d’ouvrage excluaient d’emblée les réformes de « Monsieur K », mais la citation en exergue de Toqueville (« L’expérience apprend que le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer »)  ne pouvait que faire penser au fameux XXe congrès de 1956 et on aurait apprécié une courte analyse de ce premier coup de boutoir asséné à l’empire construit par Lénine et Staline. Par ailleurs, si la lecture de cet ouvrage est palpitante, c’est aussi que l’auteur fait preuve d’un rythme littéraire très soutenu, qui semble s’emballer à mesure que la fin approche. Conséquence évidente, on ne peut s’empêcher de trouver trop rapides les descriptions de certains mécanismes politiques et de diverses manœuvres politiciennes. 

Mais ne nous mettons pas dans la peau d’un docteur en histoire soviétique et n’exagérons rien : l’ouvrage de Kozovoï est un livre intelligent qui présente l’immense avantage de résumer clairement une des décennies les plus complexes du XXe siècle. 


Matthieu Buge


Andreï Kozovoï, La Chute de l'Union Soviétique, Tallandier, octobre 2011, 321 pages, 21 € 



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