"Histoire de la Reforme protestante" de Bernard Cottret : Luther, Calvin, Wesley. Trois destins

Publié dans une première édition en 2001, le livre adopte un plan biographique à travers les figures clefs de Luther, Calvin et Wesley. L’étude des « événements » fondateurs de la Réforme protestante est préférée à celle du protestantisme, c’est-à-dire à l’Eglise établie.

Luther, Calvin, Wesley. Trois destins.

La « réforme » rappelle l’historien en introduction, c’est le projet de « ré-former », c’est-à-dire de revenir aux sources, en particulier au message des Evangiles. Hubert Bost écrivait en 1992, dans l’article « Protestantisme : une naissance sans faire-part » paru dans un numéro des Etudes Théologiques et Religieuses en 1992, que « le protestantisme naît lorsque meurt la Réforme ». Dans la lignée de Lucien Febvre, auteur d’une magistrale étude sur Luther en 1928 (Un destin, Martin Luther, PUF), Bernard Cottret (1) affirme vouloir privilégier la biographie (il a déjà écrit sur Cromwell, Calvin ou Henri VIII) et, dans une explication qui eût mérité un plus long développement, rappelle que « le christianisme a partie liée, dès l’origine, avec le salut individuel. Il ne saurait y avoir d’histoire du christianisme centrée uniquement sur les ensembles collectifs, familles, classes ou nations ».

Sola gratia (la grâce seule), sola fide (seule la foi compte), sola scriptura (l’Ecriture seule) rassemblent les protestants qui refusent l’autorité du pape et pensent que l’Eglise doit se réformer sans cesse (ecclesia semper reformanda). Contrairement aux catholiques attachés à l’institution ecclésiastique, le corps du Christ se retrouve dans l’Eglise « invisible », dans l’assemblée des croyants.

L’Allemand Luther (1483-1546) et le Français Calvin (1509-1564)  qui occupent les deux premières parties du livre n’ont pas achevé l’interrogation protestante. Sans être novateur, l’ouvrage trouve son principal intérêt dans la présentation de John Wesley, assez méconnu en France (alors que le mouvement méthodiste qui se réclame de sa pensée compte aujourd’hui plusieurs dizaines de millions de fidèles dans le monde, surtout aux Etats-Unis). L’historien nuance à juste titre la place prépondérante du XVIe siècle dans l’histoire de la Réforme. Les deux siècles suivants, notamment dans le monde anglophone, ont en effet poursuivi le projet de la renovatio. 

Ainsi, John Wesley (1703-1791), prêtre anglican, fondateur du méthodisme, incarne le « réveil » religieux en terre anglaise. « Tout en adhérant sans récriminer au dogme central de la justification par la foi, Wesley se sépare nettement des Luthériens et des Calvinistes sur deux points principaux. Aux premiers, il reproche une valorisation exclusive de la grâce aux dépens de la Loi ; il conteste la doctrine de la prédestination des seconds ». Wesley veut une religion du cœur, de l’âme, s’appuyant sur la « vertu » et le « bonheur ».

Avec son frère Charles et son ami George Whitefield, il dirige à Oxford dans les années 1730 une société pieuse que ses camarades baptisent le club des saints (Holy Club). La régularité de certains des exercices leur vaut le surnom ironique de « méthodistes ». L’une des spécificités du club est son intérêt pour la Sainte Cène, « inhabituelle pour le protestantisme du XVIIIe siècle ». En 1738, John Wesley trouve la paix de l’âme au contact des frères moraves rencontrés dans la capitale. Critiquant les procédés d’apostolat de l’Eglise anglicane, il décide de s’adresser directement aux foules. Indifférent aux formes cultuelles du calvinisme arminien, il enseigne la promesse du salut personnel par la foi, sans omettre pour autant les œuvres. Avec ses disciples, il prêche en plein air, fait participer les masses par le chant des psaumes. La rupture avec l’anglicanisme intervient en 1784 avec la consécration de prélats méthodistes. 

« Je crains Dieu et j’honore le roi. »

Cependant, si le clergé anglican et les notables ont accusé Wesley de remettre en question l’ordre social, il a au contraire favorisé la résignation et la conversion personnelle rendant difficile, pour les foules pauvres auxquelles il s’adressait de préférence, une révolte organisée contre les inégalités sociales. Elie Halévy, philosophe et historien français du début du siècle dernier, rappelle qu’au prix d’un certain ordre moral puritain, l’esprit de la Réforme religieuse de Wesley rejaillissait sur la société et la vie politique anglaise. « Les sectes, dans leur libre diversité, sont toutes d’accord entre elles, et d’accord avec les pouvoirs publics, pour imposer à la nation un rigoureux conformisme moral, et le respect au moins apparent de l’ordre social chrétien. La passion de l’organisation se combine en elles avec la passion de la liberté, finit par prendre le dessus sur celle-ci : de sorte qu’en fin de compte la liberté d’association limite la liberté individuelle, et que le despotisme des mœurs remplace, rend presque inutile le despotisme des lois ».

Sans être convaincu par le choix du plan biographique (Bernard Cottret aurait pu proposer par exemple une entrée par la « civilisation de la peur » chère à Jean Delumeau et insister davantage sur les contextes politiques et sociaux nouveaux), on conseillera cependant la lecture d’un ouvrage très bien écrit et enrichi par de nombreuses notes, véritable livre dans le livre, ses annexes et sa bibliographie.


Mourad Haddak

(1) Membre honoraire senior de l’Institut universitaire de France, Bernard Cottret  enseigne à l’université de Versailles-Saint-Quentin et à l’Ircom (Paris-Sorbonne). Auteur de plusieurs biographies, il a également publié chez Perrin 1598, l’Edit de Nantes (1998).



Bernard Cottret, Histoire de la Reforme protestante, Perrin, « Tempus », avril 2010, 528 pages, 12 € 

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