Réhabilitation de Louis XIII (1601-1643) par Jean-Christian Petitfils

Spécialiste de la monarchie d’Ancien Régime et de l’histoire des idées politiques en France, l’historien et écrivain Jean-Christian Petitfils signe à nouveau une magistrale biographie après celles de Louis XIV (Perrin, 1995) et Louis XVI (Perrin, 2005). Il a reçu plusieurs grands prix littéraires. 

Les souvenirs d’école rappellent inlassablement quelques grandes figures royales et poncifs en répétant, comme en écho, ceux de la littérature et du cinéma : dans l’imaginaire des Français, Louis XIV, « fondateur » de l’absolutisme, côtoie le « populaire » Henri IV, tant décrié en son temps ou encore l’infortuné Louis XVI qui paya durement les excès de son aïeul versaillais et les vicissitudes d’un temps violent et révolutionnaire. Louis XIII (1601-1643), à l’ombre de ses nobles pairs, fait pâle figure et certains n’hésiteraient pas à qualifier de véritable « règne » celui exercé par son cardinal, Armand Jean du Plessis de Richelieu, plutôt que celui du souverain bègue et réservé. Ces images d’Epinal sont contredites avec talent par le « biographe des Bourbons » qui, s’appuyant sur des sources d’époque (1), replaçant clairement les portraits dans un contexte historique et social bien documenté, offre une réhabilitation d’un roi et d’une période agitée, matrice de notre modernité.

Un « roi trop faible de corps et d’esprit » (Marie de Médicis) ?

En effet, et c’est le mérite du travail de Jean-Christian Petitfils qui insiste dès son introduction sur le fait qu’il fut « un grand, un très grand roi », les jugements sur Louis XIII, souvent dépeint depuis les romantiques (Dumas, De Vigny…) comme faible, taciturne et ombrageux, à l’influence politique insignifiante sont à la fois injustes et inexacts. 

Certes, marqué toute sa vie par la mort violente de son père survenue à ses neuf ans, il fut éloigné des affaires de l’Etat à sa majorité (proclamée à quatorze ans) par sa mère, Marie de Médicis, une femme au tempérament trempé, aimant le pouvoir et ses intrigues qu’elle partagea avec ses favoris italiens tel Concino Concini. Très vite, Louis XIII organise l’assassinat de ce dernier en avril 1617 pour le remplacer par le duc de Luynes.
Certes, Richelieu est un ministre exceptionnel sachant jouer des hommes et des circonstances en France et en Europe comme l’a peint depuis le XIXe siècle une littérature avide d’intrigues, de récits de cape et d’épée (voir en particulier l’ouvrage incontournable d’Alexandre Dumas, Les Trois mousquetaires paru en 1844 et adapté plusieurs fois au cinéma). 

Pour autant, Louis XIII, monarque austère et humble, n’est pas ce souverain fantôme, « insupportable à lui-même » (Voltaire) préférant aux choses sérieuses de la politique la chasse, la musique (il est l’auteur d’un ballet) et ses « mignons ». Que d’écrits sur l’ambiguïté de sa sexualité ! On en oublierait presque qu’il dirigea un pays marqué par de nombreuses épreuves, politiques et religieuses d’abord (2).

Un « triste sire » mais un « grand roi méconnu »

Assurément, son royaume se modernise sous son action déterminée et autoritaire; l’absolutisme est davantage son fait que celui de son flamboyant fils qui a su en perfectionner l’esprit et les mécanismes. C’est sous son action que la « noblesse de sang » perd une partie de sa puissance et de son influence dans la « société d’ordres » et de « corps » au bénéfice d’une « noblesse de robe » irriguée par l’élan et les espoirs d’une bourgeoisie conquérante. La célèbre Fronde (1648-1653), période de troubles politiques initiée par les parlementaires et les Grands contre l’autorité royale, ne s’explique pas autrement.

Sous des « défauts » bien réels (sa mélancolie maladive, sa jalousie) mais exagérés percent en réalité un roi héritier des qualités de son père (assassiné en 1610 par le fanatique François Ravaillac). Volontaire et pragmatique, il sait résister aux assauts et prétentions des Grands et aux trahisons de ses proches. Il soumet en 1622 une partie des forces protestantes (diminution de leurs places de sûreté à deux, Montauban et la Rochelle) sans revenir sur les principes de l’Edit de Nantes. Et lorsque les hostilités déchirent à nouveau le royaume, si les Huguenots perdent après le siège de la Rochelle leurs places militaires, la liberté de culte, sauf à paris, est toujours tolérée (Edit d’Alès).

La « Journée des Dupes » (le 10/11 novembre 1630), tentative du clan de Marie de Médicis de congédier Richelieu, assoit définitivement le pouvoir de Louis XIII et renforce le couple politique qu’il forme avec son cardinal à la robe rouge, mettant à l’écart et définitivement son opposante de toujours, sa mère, la « grosse dondon italienne », qui doit s’exiler à Moulins.

L’opposition récurrente avec l’Espagne dégénère en conflit après 1635 et se poursuit jusqu’à la fin de son règne. Dans ce contexte militaire difficile, Louis XIII, roi-guerrier, montre à plusieurs reprises sa détermination, n’hésitant pas à se mêler à ses hommes sur les champs de bataille comme lors du siège de Corbie (1636), en Picardie, au moment de la menace que font peser les armées espagnoles et impériales sur Paris.

Modeste et grand chrétien, désirant la gloire pour la France loin de la théâtralisation de la monarchie que développera son fils, ce roi énergique mais de santé fragile meurt épuisé des conséquences de coliques et vomissements (peut-être la maladie de Crohn) trente-trois ans, jour pour jour après son père, le 14 mai 1643. A sa mort, la France qui compte vingt millions d’habitants est devenue la puissance majeure du continent européen.

Dans la lignée des grandes biographies (3), le Louis XIII de Jean-Christian Petitfils réhabilite un « triste roi » mais assurément un « grand roi méconnu ».

Mourad Haddak

(1) Notamment le journal laissé par son médecin, Jean Héroard (mort en 1628), qui y a laissé des détails importants sur sa santé et sa vie intime.

(2) Hubert Méthivier et Pierre Thibaut, Le Siècle de Louis XIII, PUF, « Que Sais-Je », 1964.

(3) Depuis une trentaine d’années, de nombreux historiens comme George Duby (Guillaume le Maréchal, 1986), Marc Ferro (Pétain, 1987), Jacques Le Goff (Saint Louis, 1996) ou Jean Tulard (Napoléon, 2002) se sont essayé à la biographie, un temps délaissée par l’Ecole des Annales et les historiens marxistes, méfiants à l’égard du rôle de « l’individu » dans l’histoire, genre pourtant très apprécié par le grand public comme l’a confirmé le succès de Paul Murray Kendall avec son Louis XI (1975).


Jean-Christian Petitfils, Louis XIII, Perrin, août 2008, 970 pages
28 € 

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