"De la Croix de Fer à la potence : un officier allemand résistant à Hitler"

Un noble allemand…

August Von Kageneck est un journaliste et écrivain allemand, marié à une Française. Il est né en 1922 et mort en 2004. Engagé dans l’armée allemande en 1939, comme ses quatre frères (deux ne reviendront pas), il est blessé sur le front de l’est en 1942, sert ensuite comme instructeur puis rejoint une division blindée avant de se rendre aux Américains. Après la guerre, il oeuvrera pour le rapprochement franco-allemand puis publiera des livres qui racontent ses souvenirs. Il aura l’honnêteté de reconnaître la part de l’armée régulière dans les atrocités de l’Allemagne nazie, quand d’autres ont tout fait pour charger la barque, déjà lourde, des SS. Issu de la vieille noblesse bavaroise, l’armée et la patrie lui sont des éléments aussi familiers et indispensables que l’air ou l’eau… On pourra lire avec bonheur, pour se plonger des « siècles » en arrière, le passionnant livre d’entretiens entre lui et Hélie de Saint-Marc (résistant, déporté, soldat en Indochine et putschiste en Algérie) Notre histoire (1922-1945).

…Dans l’actualité !

Le livre que Perrin nous propose aujourd’hui en Tempus est paru en 2004. Kageneck reconstitue la vie d’un de ses anciens compagnons d’armes, à partir de sa correspondance, Roland Von Hoesslin. Cette réédition opportune est destinée à tous ceux qui, intrigués par le film avec Tom Cruise, l’Opération Walkyrie, sortie le 28 janvier, voudront en savoir davantage. Ce film remet sur le devant de la scène le lieutenant-colonel Claus Von Stauffenberg, qui faillit tuer Hitler le 20 juillet 1944 ; son complot était parfaitement préparé et s’appuyait sur cette caste à laquelle Kageneck comme Hoesslin appartenaient… Ces deux hommes venaient de Bavière et avaient fait leurs premières armes au régiment de cavalerie de Bamberg, noblesse oblige.

De la fidélité à la révolte

Roland Von Hoesslin est né en 1915 dans une famille de militaires depuis le siècle précédent. Son père survit à la guerre et est écarté dans la restriction de l’armée due au traité de Versailles. Il sera réintégré sous Hitler et finira général. On ne voit pas d’un bon œil Hitler et ses voyous, pendant la république, mais si l’œil est réticent, l’oreille est de plus en plus séduite par la perspective de revanche qu’offre le futur dictateur… Pris dans l’engrenage de la nouvelle guerre de Trente Ans (1914-1945), comme le rappelle judicieusement Kageneck, Roland devient officier. Il prouve sa valeur en Pologne en obtenant la Croix de Fer. Instructeur, il est affecté en Afrique du Nord, avec Rommel, précisément le théâtre d’opérations le plus propre (aucun des 25 000 juifs libyens n’a été inquiété). Il est blessé gravement au bras, il en restera handicapé.

Comme souvent les officiers blessés, il devient instructeur. La visite de Stauffenberg en mars 1943, sur son lit d’hôpital, ne lui fait pas ouvrir les yeux. Il croit encore à la victoire et ignore les crimes perpétrés à l’Est. C’est la belle vie à Paris, les chevaux et le théâtre, puis la Hongrie pour former les alliés du Reich. Si la vie est agréable, elle lui pèse, il voudrait combattre. En Allemagne, il voit la lente descente aux enfers, les bombardements, la mauvaise organisation, les passe-droits croissants des SS et du parti nazi, l’incompétence de Hitler, la servilité des généraux… Il en vient à douter de la légitimité de la victoire d’un tel régime. Kageneck note que les doutes apparaissent quand la victoire pâlit… Peut-on blâmer ces hommes ? La victoire, partout et de tout temps, tue les doutes et les questions… Affecté à L’Est, à la tête d’un bataillon d’aspirants officiers, Hoesslin entre dans la conjuration de Stauffenberg en  avril 1944. 

Courage et fidélité

L’attentat a lieu le 20 juillet 1944 et le soulèvement qui suit, cafouille. Roland songe au suicide, mais il est chrétien, pas à la fuite… Le filet se  resserre autour de lui. Arrêté, il avoue tout et ne renie en aucun cas Stauffenberg « mon ami ». Il appartient à ces milliers d’Allemands exécutés, lui son tour arrive en octobre 1944 ; Kageneck s’efforce, grâce aux témoins et à la correspondance de reconstituer son paysage intérieur… Il meurt, Allemand, en toute dignité.


Didier Paineau


August Von Kageneck, De la Croix de Fer à la potence : un officier allemand résistant à Hitler, Perrin, « Tempus », janvier 2009, 200 pages, 8 € 







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