"Victor Schoelcher, l'homme qui a fait abolir l'esclavage"

Un Saint laïc ?

Une réédition salutaire dans un contexte de remise en cause tous azimuts du passé colonial de la France

La genèse d’une vocation

Fils d’un fabriquant de porcelaine aisé, Victor Schoelcher est né à Paris en 1804, le 22 juillet. L’auteur se heurte d’emblée à un problème de sources qui sera récurrent à travers tout l’ouvrage mais qu’elle compense par une agréable promenade dans le siècle. Victor Schoelcher ne peut, du reste, se séparer de lui.

Autant que les maigres sources puissent nous éclairer, le personnage est hostile dés son plus jeune âge à la monarchie revenue après 1815. Républicain, Franc Maçon, il s’implique dans la vie politique de son temps, ne montrant que peu de goût pour l’entreprise familiale. Il mène la vie d’un jeune bourgeois riche de son époque, son oisiveté se noie dans la vie politique. Il se cultive, avec bonheur, cette culture sera célèbre et respectée.

En 1828, fort d’un lot de porcelaines considérable, son l’envoie au Mexique, dans l’espoir de développer ses affaires. Il restera hors de France dix-huit mois et c’est ainsi qu’il restera étranger à la chute de Charles X et à l’arrivée de Louis-Philippe au pouvoir. Mais il se cultive, il observe, il voit et une vocation revient en germe de ses aventures. Il a découvert l’horrible situation des esclaves. L’auteur rappelle avec clarté la condition des esclaves au XIXe siècle, reprenant le fameux Code Noir de Colbert, les atermoiements de la Révolution Française et la remise en « ordre » opérée par Napoléon, qu’elle qualifie au passage du terme peu flatteur, rapide et abusif de négrophobe.

En 1832, le père de Schoelcher meurt… Grand drame de son existence, il reprend la « boutique » sans aucun enthousiasme préférant aussi souvent qu’il se peut, refaire le monde avec ses amis en… « Arrière boutique » ! Passionné de musique, de littérature, Schoelcher se dépense en compagnie d’Ernest Legouvé (écrivain oublié), d’Eugène Sue, Chopin… Il fréquente le café Roysin dans le faubourg Saint-Antoine, devient socialiste séduit par Charles Fourier, fréquente sa loge avec enthousiasme.

Le combat contre l’esclavage

En 1833, il commence un combat qui ne le quittera plus. Il écrit, sa plume sera son arme, son premier ouvrage contre l’esclavage. Il s’y montre désintéressé, rigoureux. Schoelcher n’a  rien à y gagner que des haines tenaces et de ce point de vue, il sera servi ! Il se tient à l’écart des sociétés « pro » ou « anti » esclavagisme qui fleurissent un peu partout, préférant cultiver une indépendance farouche. Le combat est de savoir si les Noirs sont vraiment des hommes. Schoelcher l’athée, fait flèche de tout bois, rappelant que Sainte Iphigénie est une Ethiopienne ; il se bat pour faire admettre que le Noir peut être éduqué, qu’il n’est pas l’intermédiaire entre le singe et l’Homme…

En 1840, à l’appel des esclavagistes, il se rend aux Antilles, vérifier par lui-même. S’il constate des améliorations dans le traitement des esclaves, il ne peut transiger quant au principe ! A son retour, il persiste et signe un gros ouvrage de cinq cents pages, son plus connu : Colonies Françaises, Abolition immédiate de l’esclavage. Il est exempt de toute haine, fustigeant toujours le principe de l’esclavage, il n’attaque pas les planteurs en tant que personnes: « J’aime vos esclaves parce qu’ils souffrent. Je vous aime, parce que vous avez été bons et généreux pour moi. » . Il écrit, il lutte, il écrit, toujours ouvert à la controverse, amicale, comme avec l’abbé Dugoujon, avec lequel il confronte ses propos sur l’obscurantisme qu’il attribue à l’Eglise, dans l’amitié et la courtoisie, toujours. Schoelcher avait à la fois épaté et choqué Lamartine par son athéisme empreint d’une haute valeur morale…

Schoelcher a « l’art » de n’être pas là quand il le faut… En février 1848 ? Quand Louis-Philippe est soufflé par une « révolutionnette », il est en voyage. Il revient et arrache à Arago, membre du Gouvernement Provisoire, l’abolition sans condition de l’esclavage dans les colonies françaises, le 27 avril.

Un avenir après la fulgurance ?

Il y a des actes d’un instant qui occultent tout le reste d’une vie. Schoelcher est connu pour un instant, et, cependant, il continue à lutter. Il défend la république que Louis-Napoléon Bonaparte exécute le 2 décembre 1851. Il est sur la barricade où le député Baudin se fait tuer dans sa pauvre résistance, fort de la pauvre signature d’un Victor Hugo. Il est exilé, Bruxelles (l’auteur lui fait traverser le Jura pour se réfugier en Belgique, amusant), Londres, noue une amitié profonde avec le même Victor Hugo. Il vit à Londres et s’honore d’écrire le premier ouvrage en Français sur G.F.Haendel (tiens cela apprendra quelque chose en musique à une personne bien équivoque). On ne suit Schoelcher que par la correspondance qu’il entretient avec Eugène Sue. Il refuse, comme Hugo, l’amnistie de Napoléon III, pour une question de principe (Ah les principes, si difficiles à admettre à notre époque qui en a si bien bénéficiés !).

On le retrouve en 1870, apportant sa méticulosité à apprendre l’artillerie pour résister aux Allemands qui assiègent Paris. Il se bat pour éviter l’affrontement entre Versailles et la Commune, puis pour alléger le sort des condamnés de la même Commune. Schoelcher continue à veiller sur les Antilles dont l’attachement électoral lui est indéfectible. Sénateur en 1875, il propose en 1876 l’abolition de la peine de mort, continue à se battre pour les pauvres, les Noirs, les femmes… Son dernier livre porte sur le libérateur d’Haïti, Toussaint-Louverture… Haïti qui l’a tellement déçu… Il lègue 18000 livres à la Bibliçthèque  Nationale de France en mourant à 90 ans, entre autres legs ailleurs, généreux jusqu’au bout…

En 1949, il doit à la reconnaissance d’un grand Français issu des poussières de l’Empire, Gaston Monnerville, d’être transféré au Panthéon, en même temps que Félix Eboué. On passera sur la rose de François Mitterrand…


Didier Paineau

Janine Alexandre-Debray, Victor Schoelcher, l'homme qui a fait abolir l'esclavage, Perrin, août 2006 (1re éd. 1983), 360 p. - 22,00 € 

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3 commentaires

algund

slt

Flodau

qui a lu en entier ? 

gégé du sud

Quelqu'un connait un autre site sur se mec je dois faire un exposé ?

merci d'avance