"Paroles de Dien Bien Phu", entre mémoire et histoire les survivants témoignent

La collection "Texto" a enrichi son catalogue avec un petit bijou sur la bataille de Dien Bien Phu publié pour la première fois en 2004 dans la même maison d’édition. Le livre du professeur Pierre Journoud et du chercheur Hugues Tertrais entend marquer l’entrée dans l’Histoire de ce combat vieux de plus de cinquante ans. C’est un coup de maître qui allie la rigueur de la méthode scientifique au respect, profond, de l’émotion. En effet, les auteurs ont puisé dans les fonds d’archives enfin accessibles. Ils ont mis la bataille sous tous les angles de vue, du combattant du rang au commandement, du politique national à l’international. Ils ont sollicité les témoignages  des anciens acteurs du drame et les ont utilisés avec une justesse touchante, tout en acceptant leur aspect parcellaire.

La guerre d’Indochine

En novembre 1953 l’armée française installe un camp retranché dans le pays thaï, au Tonkin. C’est l’opération Castor dont l’objectif est de porter un coup d’arrêt aux troupes vietminh du général Giap. La guerre traîne en longueur depuis huit ans. Née comme un conflit colonial, elle a plus ou moins évolué en un épisode de la Guerre Froide. Franco-vietnamiens contre Vietnamiens communistes. Les premiers sont soutenus par le matériel et l’argent américain, les autres par la Chine communiste depuis 1949. On compte en arrière de la bataille nombre de soldats chinois pour conduire les camions et servir les pièces de DCA des troupes de Giap.

L’étouffement français

Dès le 13 mars 1954, les communistes prennent l’avantage. Leur artillerie ne peut être muselée et les points d’appui français sont étouffés les uns après les autres. La piste d’aviation est rendue peu à peu inutilisable par le tir des canons viets. L’armée française en est réduite à larguer des renforts par parachute, sacrifiant ses meilleurs soldats à un Moloch insatiable, un "Verdun" perdu, sans voie sacrée pour forcer le sort. Les critiques pleuvent. Le camp est mal conçu, mal fortifié, mal commandé… Les généraux Cogny et Navarre ne s’entendent pas…  Malgré des pertes effroyables et un moment de flottement dans ses troupes, Giap parvient à ne pas relâcher son étreinte. Les Français perdent leur dernier espoir, celui d’une intervention américaine. On pense même un instant à une bombe atomique, solution du désespoir qui aurait exterminé les deux camps ! Le 7 mai, les Français capitulent. Parmi les dix mille hommes capturés, les deux tiers périssent dans les camps de prisonniers.

Un livre complet

Les auteurs ne sont pas contentés d’un récit de bataille. Ils content aussi le sort des prisonniers fait de misère, d’intolérance alimentaire (on les nourrit comme la population locale, ce qui fait des ravages), de "rééducation" politique… Ils analysent aussi l’adversaire vietnamien, les actes héroïques et la mémoire avec, notamment la visite de Mitterrand au Vietnam en 1993.

Un livre complet, touchant et sensible, qui ne se prétend pas définitif. A lire.

Didier Paineau

Pierre Journoud et Hugues Tertrais, Paroles de Dien Bien Phu, Les survivants témoignent, Tallandier, "texto", mai 2012, 415 pages, 10 euros

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