"Guizot", L’homme du dix-neuvième siècle

Des francs à « l’austère » Guizot : l’odyssée de Laurent Theis

 

Spécialiste d’histoire médiévale (on lui doit des ouvrages sur Dagobert et le roi Robert le Pieux), Laurent Theis s’est pris de passion pour François Guizot, personnage historique a priori loin de sa spécialité. Il lui a consacré une excellente biographie parue chez Fayard en 2008 où il s’attachait à rendre justice tant à l’homme public qu’à  l’homme privé. Avec ce recueil d’articles publié par le CNRS, voici un complément heureux et utile à la biographie citée plus haut.

 

Le paradoxe Guizot

 

En effet, quelque chose a toujours ému Laurent Theis chez le ministre de Louis-Philippe, une tension permanente entre le goût de l’intime et la passion du politique, entre l’ancien et le moderne, entre l’ordre et la Révolution. Enfant du protestantisme du midi, son père est exécuté durant la Terreur. Guizot, partisan des idées nouvelles, libéral, aura toujours en horreur les excès révolutionnaires et restera un homme d’ordre. Mais il est aussi théoricien politique, historien de la Révolution anglaise, inventeur de concepts repris par Marx. Révolutionnaire, il le fut lui aussi en tant que ministre de l’Instruction publique lorsqu’il fit voter sa loi obligeant les communes à ouvrir une école, point de départ d’une œuvre que reprendront Victor Duruy et Jules Ferry.

 

Les mystères de Guizot

 

On le connaissait historien et politique, on le découvre aussi critique d’art, grâce à l’article consacré ici à son commentaire du salon de 1810. Last but not least, Guizot, protestant, fut très bien disposé envers l’église catholique et ses membres (il fut ainsi le professeur et l’ami de Montalembert, légitimiste devenu héraut du catholicisme libéral). Critique de Napoléon, il reconnaissait cependant son génie (sans sombrer dans les débordements d’admiration d’un Thiers) : en tant qu’ambassadeur à Londres, Guizot intervint pour faire ramener les cendres de Sainte-Hélène en 1840.

 

Très loin de l’image d’Epinal du protestant austère (due à une historiographie républicaine hostile par principe à un partisan de la monarchie de Juillet), Guizot, grâce à l’œil acéré et la plume inspirée de Laurent Theis, reprend vie sous nos yeux. C’est à un voyage fascinant qu’il nous invite : n’hésitez pas à le suivre.

 

Sylvain Bonnet

 

Laurent Theis, Guizot, CNRS éditions, septembre 2014, 198 pages, 20 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.