"Napoléon et la France", le nœud gordien de notre histoire

L’héritier

 

Inutile de présenter Thierry Lentz, fils spirituel de Jean Tulard dans le domaine des études napoléoniennes ! Les éditions Vendémiaire proposent ici un recueil d’articles ou de contributions parues dans des revues ou sur le site de la fondation Napoléon, portant sur plusieurs aspects du parcours du plus célèbre des corses. Lentz livre ici une série d’instantanés aussi loin de l’hagiographie que du « Napoléon bashing » (succédané intellectuel et historique du frensh bashing) si à la mode chez nos intellectuels germanopratins. Ouvrage éclairant et concis, on reviendra rapidement ici sur deux aspects qui démontrent toute sa valeur pédagogique.

 

Napoléon, héritier de la Révolution

 

Toute une tradition historiographique a présenté Napoléon comme le traître, l’homme qui interrompt les temps révolutionnaires et le progrès de l’histoire (Les ouvrages de Lionel Jospin et Gérard Grunberg sont représentatifs de cette tradition). Thierry Lentz, dans un article dénommé « légitimités impériales », démontre très bien combien Napoléon et son régime tiraient leur légalité de la Révolution : en 1804, lors du sacre, le moment le plus important n’est pas lorsque Napoléon est couronné mais le serment qu’il prononce où il jure de défendre les conquêtes de la Révolution (dont la vente des biens de l’Eglise).

 

Napoléon et Hitler 

 

Lors du bicentenaire d’Austerlitz, Claude Ribbe a comparé le sinistre autrichien et le petit caporal. Bonaparte, qui a rétabli l’esclavage, aurait préparé et encouragé l’extermination des noirs d’Haïti en faisant mettre au point les premières chambres à gaz (on salue son génie technique). Cette thèse ne résiste pas à une analyse historique sérieuse. Bien sûr, lorsqu’Hitler lance Barbarossa, tous les officiers allemands ont en tête l’échec de Napoléon. Ils y pensent, l’empereur les hante… Pour autant, Hitler méprisait Napoléon en qui il voyait un héritier des Lumières et il n’avait pas tort…

 

Non exempt de préjugés anti-judaïques, Napoléon a pourtant œuvré pour l’émancipation des juifs dans l’Empire français (incluant les territoires allemands et italiens) en supprimant leur ancien statut. Pour autant il a imposé au judaïsme français de se réformer pour se conformer aux lois françaises (    ce qu’indique très bien Eric Zemmour dans ses livres volontiers polémiques). Reste qu’il y eut des soldats juifs dans la Grande Armée et que nombre de ghettos s’ouvrirent lors de l’avancée de l’armée française…

 

Ces deux exemples démontrent la complexité du personnage et de son action. C’est tout l’intérêt du livre de Thierry Lentz de peindre cette complexité. C’est tout le travail de l’historien de la traduire. Vivement recommandé.

 

Sylvain Bonnet

 

Thierry Lentz, Napoléon et la France, éditions Vendémiaire, août 2015, 256 pages, 20 €

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