"Léon Blum", l'Homme d'Etat

Le Fou de l’Histoire

 

Professeur émérite à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Pierre Birnbaum a consacré sa vie de chercheur à la République et à ceux qu’il a appelé « les juifs d’État », c’est-à-dire des français juifs (on disait autrefois « israélite ») devenus hauts fonctionnaires, conseillers d’État, ministres (cf son ouvrage Les Fous de la République, Histoire politique des Juifs d’État de Gambetta à Vichy). À ce titre, le voir aujourd’hui publier un portrait de Léon Blum, figure emblématique de la IIIième République et premier président du conseil socialiste et juif, paraît logique. Car Léon Blum paraît au premier abord caractéristique de ces « Juifs d’État » : il a fait l’école normale, est devenu conseiller d’État.

 

L’émancipateur

 

A la lecture de ce portrait, on est frappé par l’importance du rôle de Léon Blum dans certains combats. Son engagement au moment de l’affaire Dreyfus était connu mais l’impact de son ouvrage Du mariage l’est aujourd’hui beaucoup moins. Pourtant, il lui a valu la haine durable de l’extrême-droite et le mépris des conservateurs : il y soutenait par exemple que mari et femme devaient avoir une vie amoureuse avant de se marier ! Cela sous-entendait l’émancipation sexuelle des femmes, à un moment où celles-ci n’avaient pas le droit de vote. Cela n’empêcha pas cet amoureux des femmes de mener un temps une "double vie", de manière somme toute très conventionnelle pour un bourgeois de cette époque.

 

Comme Président du conseil, une des mesures les plus fortes a été l’octroi de congés payés aux salariés : en 1936, beaucoup de français sont partis pour la première fois en vacances, une véritable révolution culturelle à laquelle beaucoup de gens attribuèrent par la suite la défaite de 1940… après la guerre, les congés payés non seulement ne furent pas supprimés mais furent même progressivement étendus. Si on peut raisonnablement émettre un jugement critique sur la politique économique du Front populaire (Serge Bernstein le fait très bien dans sa biographie consacrée à Blum), le bilan social et culturel reste, comme le diraient certains camarades, « globalement positif ».

 

L’antisémitisme et le sionisme

 

Juif, Blum l’était et l’assumait pleinement face aux attaques dont il fut toute sa vie l’objet. Lorsque l’action française l’invectivait voire l’attaquait comme en février 1936, lorsque Xavier Vallat se lamentait de son élection comme président du conseil, face aux insultes de Léon Daudet, Blum ne se découragea pas. Il fit front, n’eut jamais honte (même lorsque qu’un ami comme André Gide notait scrupuleusement dans son journal ses « défauts juifs ») et, le moment venu, assuma pleinement ses fonctions de président du conseil, malgré les objurgations de certains autres juifs français qui lui demandaient de ne pas attirer l’opprobre sur eux.

 

Cet homme courageux (qui se battit en duel de nombreuses fois), réformé en 1914 à son grand désespoir, profondément patriote, soutint aussi le mouvement sioniste de manière constante, au point qu’on donna son nom à un kibboutz en 1943 alors qu’il était prisonnier à Buchenwald. Car pour lui, il n’y avait pas de contradiction entre la France et le sionisme, puis le soutien à l’État d’Israël.

 

Pierre Birnbaum nous offre un portrait fin et parfois émouvant d’un homme politique qui marqua son époque. Français et juif, socialiste et humaniste, Blum fut en définitive un grand Républicain. À méditer.

 

Sylvain Bonnet

 

Pierre Birnbaum, Léon Blum,  Seuil, février 2016, 272 pages, 20 €

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