En 1986, Pierre Nora édita un ouvrage intitulé Essais d’égo-histoires dans lequel sept historiens racontaient leur propre histoire. George Duby, spécialiste du Moyen-âge (on lui doit un Bouvines magistral et une excellente étude sur Guillaume le Maréchal), s’essaya à l’exercice, avec beaucoup d’efforts. L’exercice fut bien reçu dans le milieu des historiens. Duby mourut en 1996 et ce n’est que des années plus tard que Patrick Boucheron et Jacques Dalarun ont découvert dans les archives de l’historien une autre version…

Changement de perspective

Georges Duby avait écrit une première version à la troisième personne (la version publiée est écrite à la première personne) et là tout change. La version initiale trahit un rapport différent à sa propre histoire. Duby avoue ainsi dans la première version qu’il est resté fidèle au catholicisme de sa mère alors qu’il enlèvera cette mention dans la version définitive. De même donne-t-il les noms de ses professeurs de lycée pour mieux ensuite les gommer. Jamais George Duby ne révèlera quoique ce soit d’intime dans son ego-histoire, tout au plus retrace-t-il son itinéraire intellectuel, manifestant sa révérence envers ses maîtres Jean Déniau et Fernand Braudel. Témoignage intéressant, Mes ego-histoires montre aussi toute la difficulté (que Pierre Nora avait deviné) pour un historien de parler de sa propre vie, de se faire son biographe. A découvrir.

Sylvain Bonnet

Georges Duby, Mes ego-histoires, préface de Pierre Nora, postface de Patrick Boucheron, Gallimard, mai 2015, 154 pages, 12,50 €