Le Dictionnaire Audiberti pour ne rien rater chez cet écrivain-poète

Jacques Audiberti (1899-1965) est l’un des écrivains les plus étonnants du siècle dernier. Il aura marqué plus que son époque et si la mémoire de nos chères têtes blondes n’en a pas le souvenir c’est dans les thèses de la Sorbonne que restera gravée la fulgurance de cette œuvre singulière. Jalousé par certains (Barthes et Genette, par exemple s’appliquent à ne jamais le citer : seraient-ils jaloux de son talent ?), célébré par d’autres (Valery Larbaud et Philippe Jaccottet), Audiberti est un solitaire qui ne fait qu’écrire et refuse les chapelles tout autant que les étiquettes…

Fier de s’être fait tout seul, lui le petit provincial débarqué sans recommandations, il est entré par la petite porte du journalisme pour atteindre le firmament des Lettres !

 

Mon premier est un poète… Mon second est un rédacteur… Mon tout est un acrobate qui ne sait plus où est son âme.

Lettre à Jean Paulhan , 1939

 

Audiberti se plait à perdre son temps en contemplation du monde, à la fois journaliste, badaud ou lecteur dont la cruauté l’effraie tout autant que son étrangeté l’étonne. Il est déchiré entre compassion et colère : il ne peut le décrypter par l’intelligence alors il l’aborde par la poésie, une autre manière de poser des questions dont on aura jamais la réponse… L’abhumaniste Audiberti est surtout un rebelle à l’esprit d’orthodoxie qui plusieurs lustres durant a fait florès dans les avant-gardes. Il refuse l’embrigadement, se décale et donc se marginalise.

 

Seul contre tous, Audiberti  se plaît à remonter à contre-courant : ce qui est réel chez lui est souvent irrationnel, et ce qui est rationnel n’est pas réel. Le hasard prévaut sur la nécessité. L’écriture alors s’empare de lui, plus que l’inverse. Bouchon de liège dans le courant littéraire qui l’emporte, Audiberti flotte d’allégresse et dévore des livres avec la curiosité d’un assoiffé. C’est ainsi qu’avant Barthes, il distinguera l’écrivant de l’écrivain, et y ajoute l’écriveur , simple technicien de l’écrire… On comprend alors qu’il se soit fait quelques amis (sic).

 

Il n’est pas seulement l’auteur du Mal court, une brillante comédie-bouffe qui, depuis plusieurs dizaines d’années, triomphe à chacune de ses reprises. Il se définit poète avant tout, accessoirement écrivain... Son œuvre qu’on a souvent dit baroque bouscule les genres : il ne faut pas oublier que le rapport d’Audiberti à la tradition, aux codes, à la norme est ambivalent. Il affirme les respecter quand il s’amuse à la subvertir, à sa façon, certes, mais le résultat est là ! Son œuvre, qui comprend des recueils de poésie – qu’il a obstinément voulue versifiée –, mais aussi de la poésie de roman, de la poésie de théâtre, de la poésie critique, oscille entre héritage et invention ou modernité. Mais il y a plusieurs manières d’entendre la modernité, ainsi ce dictionnaire remet-il en cause quelques idées reçues.

 

François Xavier

 

Jeanyves Guérin (sous la direction de), Dictionnaire Audiberti, Honoré Champion, mars 2015, 560 p. – 110, euros

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