Céline à l’épreuve : tout comprendre (enfin) ?

Depuis la mort de Céline, en 1961, les hagiographes, chercheurs, chroniqueurs, littérateurs et autres universitaires s’en sont donnés à cœur joie ; au point que fables et légendes fleurirent comme chiendents après la pluie, d'où l'urgence de faire le point, ce que cet ouvrage s'est donné comme objectif…
Car cela se fit en deux temps : seulement six thèses de doctorat en France (sic) dans les années 1980, pour celui que l’on présente comme LE meilleur écrivain et LE meilleur styliste du siècle. Il y avait donc comme une contradiction, un oxymore, voire une coquecigrue ? Disons plutôt un oubli (volontaire) tant le sujet dérangeait, déplaisait, grand écart entre l’homme et l’œuvre : fallait-il dissocier l’un de l’autre ou les associer ?

Puis vinrent les années 1990-2010 qui virent se développer de manière considérable les études, notamment universitaires, sur Céline. D’un extrême l’autre. Ce qui entraîna de radicaux changements du paysage critique célinien…

Cela est d’abord dû à un engouement venu de l’étranger : Céline est de plus en plus traduit, et c’est à chaque fois la quasi-totalité de son œuvre, aux Pays-Bas, en Italie, au Japon, aux Etats-Unis d’Amérique, en Allemagne ; voire la Russie qui a même fondé une Société d’Etudes Céliniennes en 1994. Même Israël a laissé entrer le « plus antisémite des écrivains français » dans ses bibliothèques…

En France, Céline intégra la Pléiade (avec pas moins de cinq volumes !) et en 2005 naquirent la revue annuelle  des Etudes céliniennes, suivi en 2008 d’un site de référence : www.celines-etudes.org.


Désormais, l’œuvre de Céline est à l’épreuve de l’ensemble des méthodes d’analyse de la critique littéraire contemporaine, elle est l’objet de toutes les approches herméneutiques qui constituent notre modernité. Trois domaines se partagent le « haut du panier » : l’étude comparée (Céline est étudié en miroir d’autres écrivains français comme Claude Simon ou Paul Morand, par exemple) ; la sociocritique (la critique historique et les travaux de sociologie littéraire) et les études thématiques. A contrario, les travaux psychocritiques sont en nette diminution…

 

Rendons donc à César ce qui est à Céline : depuis cinquante ans, l’appareil critique nous a appris bien des choses sur l’auteur et son œuvre, dont la toute première – et pas des moindres – que Céline nous donne les clés pour mieux comprendre ce qu’est, en réalité, la littérature !

C’est ici tout le dessein de cet ouvrage : à partir du bilan nécessaire qu’il est possible aujourd’hui d’établir, fut-ce de manière provisoire, sont développées un certain nombre de perspectives critiques stimulantes dans les divers domaines qui interrogent l’œuvre de Céline. Tout débutera donc par une présentation biographique, associée à l’abondante correspondance célinienne. N’oublions pas la publication, en 2011, du travail biographique d’Henri Godard précédé en 2009 du volume Lettres de la Pléiade. Puis viendra l’auteur et son texte, où il sera question de la phrase célinienne et du jeu de déconstruction syntaxique ; mais aussi du dispositif de fictionnalisation de soi, des figures de mythomanes dans l’ensemble de l’œuvre ; deux articles uniquement axés sur Mort à crédit et enfin la position de Céline dans l’Histoire : Gisèle Sapiro restitue le procès de Céline dans le contexte de ceux intentés aux écrivains français collaborateurs à la Libération mais aussi dans l’histoire de longue durée de la notion de responsabilité de l’écrivain.

La troisième et dernière partie de ce livre est consacrée à l’étude des auteurs contemporains qui se réclament de Céline, les français (Winckler, Bon, Volodine) et les étrangers (Kourouma, Littell, Antunes).

 

Il est toujours délicat de vouloir prendre la mesure d’un discours critique, d’autant qu’il est forcément figé par le temps : Céline figure désormais aux côtés de Proust et Duras dans la liste des auteurs les plus étudiés.

Gageons que l'aventure n'est pas terminée et qu'avant tout, il faut retourner à l'origine, donc lire Céline !

 

François Xavier

 

Philippe Roussin, Alain Schaffner & Régis Tettamanzi (sous la direction de), Céline à l’épreuve – Réception, critiques, influences, Honoré Champion, coll. « Littérature de notre siècle », mars 2016, 348 p. – 45,00 euros

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