Le robot humanisé plus fort que l’homme ?

Ne serait-ce finalement qu’un monde de tristesse qui nous attend dès lors que l’intelligence artificielle aura pris sa vitesse de croisière, supplantant lentement mais sûrement les Hommes dans les tâches difficiles, dans un premier temps, pour ne pas donner l’air de tout vouloir tout de suite ; puis se seront les caissières (d'ici trois ans, en France, ce métier aura disparu), les téléopérateurs qui seront remplacés – comme c’est déjà le cas dans certaines compagnies d’assurance au Japon – puis la voiture autonome, les objets connectés qui d’ici trois ans seront majoritaires sans même que vous ne vous en rendiez compte – Kinéis, la start-up toulousaine va lancer 25 satellites d’ici 2022 – et pour finir, tout sera piloté par les puces au silicium.
Les machines nous surpasserons, nous survivrons… même si elles sont conçues pour nous aimer, soit-disant… car l’esprit pragmatique l’emporte toujours face aux émotions, aux théories, aux dogmes, à la logique humaine. Dès lors que l’IA deviendra autonome les Hommes seront perdus ; d’autant que des petits fous furieux comme l’un des fondateurs de Google qui rêve de vivre au-delà de cent cinquante ans, travaillent avec les plus grands cabinets d’avocats des USA pour imposer une loi qui rendra pénalement responsable l’humain qui débranchera une IA, en l’apparentant à un meurtre. Ils veulent, ni plus ni moins, imposer une conscience informatique à l’égale de l’Homme…

Cette dystopie qui risque bien de nous arriver plus tôt que l’on ne pense, nous embarque dans un monde d’hier (la fin des années 1980) aux allures d’aujourd’hui (les Beatles sont toujours là, ainsi que Alan Turing, le père de l’informatique moderne qui permit de casser Enigma) ; et la dernière folie à s’offrir est un robot de toute dernière génération qui ressemble à un humain à s’y méprendre ; sauf qu’il parvient très vite, trop vite, à s’affranchir et de son bouton de la mort, ce qui interdit de le déconnecter, et de l’esprit humain qui autorise certaines entorses aux codes et moralité si cela permet de défendre une cause ou de réparer une injustice. En l'espèce, un faux témoignage pour mettre un violeur dont la victime s'est suicidée, derrière les barreaux.

Charlie fait un héritage, et claque tout en s’offrant un Adam, lequel va troubler quelque peu son quotidien, ne serait-ce qu’avec Miranda, dont il tombe… amoureux (sic), déclenchant une tension dans le jeune couple. Être jaloux d’une machine, est-ce bien raisonnable ? Se disputer avec la personne qu’on aime est une torture d’un genre particulier. Le moi se retourne contre lui-même. L’amour se retrouve aux prises avec son contraire, en termes freudiens. Et si la mort gagne et que l’amour meurt, qui s’en soucie ?
Comment lutter contre une intelligence qui aura compilé l’intégralité des données depuis les origines ? Malgré sa programmation initiale, Adam se permet des libertés, des audaces et Miranda n’a pas froid aux yeux, se disant que ce n’est qu’un objet, finalement ; ce que Charlie ne perçoit pas exactement du même œil…

Ian McEwan n’a pas son pareil pour nous peindre un futur réaliste, un présent virtuel qui glace le dos dans l’infinité des détails que la logique mathématique développe chaque jour. Toujours présentés comme étant au service de l’Homme, les algorithmes finissent par apprendre par eux-mêmes, dans un jeu subtil de compositions séquentielles, et les données initiales s’appliquent sans le recul propre à l’humain, la nuance d’une situation, la priorité de l’âme sur le code… Ainsi, construisons-nous notre propre bourreau dans la joie et l’allégresse et le jour où nous prendrons conscience de notre erreur, il sera trop tard.

Charlie détruit Adam dès lors qu’il s’est rendu coupable d’une délation, mettant en péril son projet de vie avec Miranda, mais son geste pourra-t-il stopper le désastre ? Compositeur d’haïkus, Adam leur soufflera son dernier poème avant de disjoncter :

Nous perdrons nos feuilles.
Au printemps nous renaîtrons,
Mais vous, hélas, non.

 

François Xavier

Ian McEwan, Une machine comme moi, traduit de l’anglais par France Camus-Pichon, coll. "Du monde entier", Gallimard, janvier 2020, 385 p.-, 22 €
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