Tyrannie chérie de Bernard Leconte


Dans ce brillant pamphlet, Bernard Leconte nous offre une démolition en règle du, ou plutôt des consensus actuels, et  démontre que notre société est bloquée sur tous les fronts, nos gouvernements successifs refusant, à ses yeux, sans toutefois le dire, la moindre évolution. Le regard sarcastique de l’écrivain sur ses contemporains, en même temps qu’il déclenche notre hilarité, est un règlement de compte en règle et acide. Le texte contient de véritables morceaux de bravoure qui font irrésistiblement penser aux carnets de caricatures d’Honoré Daumier. L’écriture aussi fouillée que pointue s’avère éblouissante. Un humour exacerbé qui exprime en filigrane des idées pas forcément bonnes à dire et encore moins à écrire. Mais l’important n’est-il pas qu’elles nous fassent rire ?


Qu’est-ce qui, au départ, vous a poussé à soulager votre ire par le biais de l’écriture ? Avez-vous pensé que c’était le seul moyen de faire passer votre message ?

Oui, le seul moyen. Le futur beau-père de Mauriac lui demandait : « Mais pourquoi voulez-vous être écrivain ? » et Mauriac lui répondait : « Parce que je ne sais rien faire d’autre ». Mon futur beau-père ne m’a rien demandé. Dommage. Je lui aurais dit : « Futur beau papa, l’humour, je ne sais faire que ça ».

 

L’humour est une arme dont visiblement vous vous servez avec délice. Est-il pour vous le moyen de rester libre ?

Oh oui ! Dès qu’on oublie l’humour, on devient partisan, on s’embrigade, on est embrigadé, on devient un cochon triste qu’on mène à l’abattoir.

 

Vous en êtes-vous servi dans vos écrits précédents ?

Presque toujours. Il y en a par exemple dans Qui a peur du bon français et dans La France de Sacha Guitry. Il y en a même dans mon tout récent roman Qu’allons-nous faire de grand-mère ? dont le sujet n’est pas en soi ce qu’il y a de plus désopilant.  Quand je ne l’ai pas fait, j’ai produit du mauvais. C’est comme ça. Maintenant, je préviens le lecteur qui rigolerait un peu trop que l’humour est la seule façon d’être réellement sérieux.


Avez-vous eu des difficultés à publier ? Votre texte est un risque pour un éditeur, non ?

Ai-je eu des difficultés à publier mon petit libelle ?  Ca dépend comment on prend la question. Au bout de trois pages, j’ai compris que ce que j’entreprenais ne pouvait pas paraître dans certaines maisons et même dans la plupart des maisons. Et puis je suis tombé sans crier gare sur un éditeur courageux.

 

Vous refusez tous les compromis de votre époque. Comment faites-vous dans la vie quotidienne ? Vivez-vous sur une île déserte ?

Matériellement, géographiquement, je ne vis pas dans une île déserte, mais à l’orée d’une grande « métropole ». Mi rural, mi urbain, ça  me va bien. Spirituellement, oui, je suis dans une île déserte. L’humour est un océan qui éloigne les turpitudes et les sottises. Mais je ne suis pas Robinson, mon île n’est pas vide. Il y a encore pas mal d’esprits libres et il en restera toujours. Dieu y pourvoit.

 

Propos recueillis par Cécilia Dutter (juin 2013)

 

Bernard Leconte, Tyrannie chérie, France Univers, mai 2013, 68 pages, 17 euros

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