Marguerite Duras, le théâtre comme espace de création

Le 3 mars 1996, celle pour qui la première raison d’être, comment le dire autrement, était l’écriture, s’éteignait à l’âge de 81 ans à Paris. Célèbre pour ses romans - qui ne peut citer au moins deux titres, Un barrage contre le Pacifique et L’amant qui obtint le Prix Goncourt - Marguerite Duras, on l’oublie souvent, a aussi rédigé le scénario du film Hiroshima mon amour, réalisé en 1959 par Alain Resnais. Marguerite Duras dans une interview, disait ne pas aimer que les chefs d’œuvre soient adaptés au cinéma, car la lecture en sortait « corrompue ». Comment imaginer Hamlet en images, estimait-elle !
Enfin, et cela est encore plus souvent méconnu, elle a beaucoup écrit pour le théâtre. Plus de vingt pièces, dont la liste se trouve à la fin de ce petit livre, très dense, que lui consacre Christophe Pellet, diplômé de la FEMIS, également auteur et réalisateur.

De son vrai nom Marguerite Donnadieu, née le 4 avril 1914 au nord de Saigon, qui était alors en Indochine française, elle évoquera à maintes reprises cette terre des origines et « son admirable position au centre de la mer de Chine et au-delà, sur le Pacifique ». Une fois en France, ce seront les études aux sciences politiques, un emploi au ministère des Colonies, les rencontres nombreuses et variées, sa famille, l’amour, les disputes et les ruptures, l’alcool, son engagement politique, les drames successifs. Mais en revanche, elle aura de belles amitiés comme celle de Madeleine Renaud. Pourtant, en dépit des aléas de son existence, elle déclare qu’« il faut éviter de penser à ces difficultés que présente le monde, quelquefois. Sans ça, il deviendrait tout à fait irrespirable. » L’écriture sera toujours la porte à prendre pour se sortir de ces labyrinthes. En octobre 2011, Marguerite Duras fait son entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade. Outre ses textes, elle a adapté plusieurs pièces, entre autres « La Bête dans la Jungle » d’après H. James.

Dans ses pièces comme dans ses romans, Marguerite Duras se livre telle qu’elle, au point que, comme le relève avec justesse l’auteur, c’est une voix identique que « le lecteur-spectateur entend ». Elle est comme une musique. En l’écoutant comme en la lisant, on perçoit ce « mélange de banalité et de sophistication…de style à la fois classique, hyperbolique et accidenté ».  Chaque pièce est l’objet d’un examen rigoureux émaillé de citations. Le théâtre aura été pour elle « comme un espace de création artisanale, de mise en danger, voire d’approximation » note-t-il. L’auteur analyse cette manière si particulière d’écrire de Marguerite Duras, qui lui attira aussi beaucoup de critiques.
Mais cette « écriture… en offrant de telles partitions, a un beau devenir sur les scènes de théâtre ».

Dominique Vergnon

Christophe Pellet, Le théâtre de Marguerite Duras, éditions Ides et Calendes, septembre 2018, 103 p. -, 10 euros. 

Aucun commentaire pour ce contenu.