Sculpteurs oubliés

Historienne de l’art, chartiste, conservatrice générale honoraire du Patrimoine et ancienne directrice du département des Sculptures du musée du Louvre, Geneviève Bresc-Bautier aime faire découvrir des sculpteurs oubliés et apprécier leurs œuvres.
Parmi les noms qui méritent l’attention, elle a rassemblé dans cet ouvrage six artistes reconnus en leur temps dont les carrières se déroulèrent essentiellement à Paris mais aussi pour beaucoup d’entre eux se raccordent à l’Italie. Tous vécurent sous le règne de deux souverains, Henri IV et Louis XIII. À quelques années près, ils appartiennent à la même période de l’histoire de l’art où la vision de la sculpture manifeste la tension entre le maniérisme tardif d’influence italienne, l’arrivée de nouvelles modes et la continuité traditionnelle écrit l’auteure.

Le premier à entrer en scène est le florentin Francesco Bordoni, qui s’introduisit à la cour de France en raison de son talent mais aussi grâce à l’appui de Pierre Francqueville. Il travailla en Italie et reçut le titre de premier sculpteur du roi. Bordoni dit aussi Francisque Bourdony ou Bourdon œuvra à Fontainebleau et devint également un brillant décorateur de fontaines. Fondeur virtuose, il a exécuté notamment un buste très expressif de Louis XIII.

Vient ensuite Jean Séjourné, originaire de Rouen. On peut admirer dans l’une des chapelles de la cathédrale de cette ville une de ses plus belles œuvres, l’Orant de Claude Groulard qui fut premier Président du Parlement de Normandie.
£Installé à Paris en 1604, Séjourné réalise à Rueil pour Jean de Moisset, payeur des rentes de la ville, une grotte extraordinaire, gigantesque rocaille sauvage animée d’une succession de conques. Il se distingue aussi comme étant un excellent sculpteur-fontainier et meurt au Louvre en 1614.
Sculpteur mais aussi peintre et architecte, passé comme il était de règle à cette époque par Rome où il découvre les maîtres italiens, Cristofle Cochet est membre de l’une de ces dynasties solidaires de sculpteurs, alors fréquentes. Si les données disponibles sur lui sont rares, il laisse comme premier témoignage de son talent une statue en marbre, de style classique, Didon, dont l’expressivité révèle de façon éloquente le destin partagé entre amour et drame de la reine fondatrice de Carthage.   

Le suivant, Hubert Le Sueur, dont Van Dyck a peint le portrait ce qui était un signe manifeste d’estime, passe une partie de sa vie en Angleterre, exécutant notamment entre 1625 et 1643 des bronzes du roi Charles 1er.
Revenu en France, il s’impose auprès de nombreux commanditaires. La tête d’Henri de Montmorency, en bronze et marbre, met bien en valeur la manière de cet artiste. On lui attribue un bronze qui se trouve dans le jardin anglais de Fontainebleau, le Gladiateur Borghèse.

Les deux derniers, Thomas Boudin et Toussaint Chenu, sont comme beaucoup d’artistes, issus du milieu de sculpteurs de second plan affermi par les liens de parenté, les alliances et les amitiés. Parisien au long de son existence, sculpteur du roi, renommé en son temps, le premier a laissé avec plusieurs hauts reliefs sa marque dans une suite de sculptures qui orne le tour du chœur de la cathédrale de Chartres et une statue en marbre de Diane de France, en attitude orante.

Assez proche dans les années 1632-1635 de l’éminent architecte que fut François Mansart, le second griffonne c’est-à-dire dessine beaucoup, comme en témoigne les six portefeuilles de dessins qu’il a laissés. Ayant quelques commandes officielles, il exécuta des œuvres à caractère religieux et des tombeaux. Bon connaisseur des marbres, il s’adonna en plus de son activité de créateur au commerce des marbres.

Bien que ne disposant pas toujours de données suffisantes pour traiter dans le détail de leur déroulement ces vies oubliées, Geneviève Bresc-Bautier parvient, au terme de ses nombreuses recherches dans les documents existant, comme les inventaires après décès et les archives conservées ici ou là, à faire revivre dans leur contexte historique et esthétique ces artistes tant à travers leurs œuvres que leurs parcours personnels, mettant en relief leurs apports sans doute modestes mais loin de là négligeables à l’histoire de la sculpture.    

Dominique Vergnon

Geneviève Bresc-Bautier, Quelques sculpteurs parisiens de la première moitié du XVIIe siècle, 46 illustrations, 190 x 265 mm, In fine Editions d’Art, novembre 2021, 128 p.-, 25 € 

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