Croire & combattre : religion et/ou politique

Coïncidence inattendue sans aucun doute, mais la mort de deux rois encadrent les tumultes de cette période. Celle d’Henri II lors du tournoi des Tournelles le 10 juillet 1559, celle d’Henri IV, cet Hercule gaulois formé dès l’âge de douze ans à la guerre, note Michel de Waele.  Il est poignardé par Ravaillac le 14 mai 1610.
Tout au long de cette cinquantaine d’années, vont surgir, croître et s’approfondir les tensions politiques, religieuses, sociales, traduisant jusqu’à la plus grande violence les oppositions confessionnelles entre catholiques et protestants. Quelles que soient les convictions ou les certitudes des clans, pour reprendre le terme dont le sens et la réalité apparaissent clairement dans la généalogie des grandes familles, on dirait que des prédicateurs enflammés et trop zélés s’emploient à attiser les querelles, balayant ainsi les solutions éventuelles de compromis vouées à permettre une possible coexistence religieuse. Valois, Montmorency, Bourbon, Châtillon-Coligny, Condé, ces noms traversent notre histoire.
De même, certains lieux rattachés à des actes majeurs appartiennent-ils à cette mémoire collective, comme Amboise et la conjuration, Nantes et son édit, Cateau-Cambrésis et son traité ou encore Vervins et sa paix. Manifestées avant tout en France, les différentes croyances se diffusent un peu partout en Europe, à l’échelle même de la chrétienté. À cet égard, la grande carte présentée au début de cet ouvrage magnifique, très bien documenté et illustré, explicite les axes de cette propagation des croyances qui se fait à partir de quelques centres, Genève, Strasbourg, Zurich, Bâle, Wittenberg, Londres pour atteindre notamment les pays nordiques, l’Écosse puis la Hongrie et la Pologne.

Plusieurs confessions religieuses sont en présence. La famille de Guise, qui appartient à la maison de Lorraine, est le chef de file des Catholiques. Un tableau attribué au Greco représente le cardinal Charles de Loraine, caution princière des ligueurs. Les Protestants ont à leur tête les Bourbon. S’ajoutent également les Luthériens, les Réformés, les Anglicans, les Hussites.
Huit guerres au total, parfois très courtes, moins de deux mois pour la deuxième guerre, parfois beaucoup plus longues, près de trois ans pour la huitième, se succèdent et ensanglantent sans relâche le royaume. Les mots de massacres, sièges, soulèvements, désastres, exactions reviennent régulièrement.
Michelet écrira que la Saint-Barthélemy n’est pas une journée, c’est une saison. Le peintre François Dubois a laissé de cette nuit de violence intense un tableau suggestif, ne cachant rien des pires excès qui sont commis, peignant jusqu’aux filets de sang des victimes tâchant partout le sol. Ce terrible et célèbre événement du 23 au 24 août 1572 fut accompagné d’hécatombes similaires en France.

Considéré comme le premier théologien protestant, s’élevant contre le pape Léon X, le moine allemand Martin Luther dont Lucas Cranach l’Ancien et son atelier a laissé un saisissant portrait, à l’orée de l’hiver 1517 vient de rendre public un petit texte hautement subversif. Le conflit avec Rome se radicalise et la confrontation qu’il n’avait pas initialement souhaitée ne cesse de se durcir ainsi que l’écrit Hugues Daussy, un des membres du Conseil scientifique de l’exposition qui s’est ouverte au musée de l’Armée des Invalides. Ces clans vont tour à tour ou concomitamment tenter d’en imposer au pouvoir royal. Cela oblige la Couronne à un périlleux jeu d’équilibre. Cependant, ces guerres s’avèrent capitale dans la construction de l’État monarchique.
En parallèle du déroulement des faits, autre point fort de cette présentation et détaillé avec une constante qualité dans cet ouvrage est le rôle des images comme les gravures et les tableaux, celui des objets, qu’ils soient religieux comme cette monstrance eucharistique en cuivre doré et argent gravé du XVe siècle ou profanes (verre à pied à la façon de Venise et ses élégants hallebardiers), celui des pièces militaires avec entre autres les mousquets, une arme lourde pour l’époque, qui avait un long canon et un fort calibre, ce qui le rendait redoutable contre les armures.
Pour ces dernières, on admire les extraordinaires décorations faites de nombreux motifs, tels rinceaux, chevrons, mandorles, fleurs par exemple.   

Dominique Vergnon

Laëtitia Desserrières, (Sous la direction de.), 200 illustrations, 220 x 280 mm, In fine éditions d’Art, avril 2023, 332 p.-, 39€

Jusqu’au 30 juillet 2023 à voir au musee-armee.fr

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