Jadis vivait ici

Dans Décollations, son avant-dernier opus, Corinne Hoex nous invitait à perdre la tête au rythme de variations loufoques et pleines d’une fantaisie qui me faisait songer  à une jam session.

Aujourd’hui, en maniant davantage l’implicite et en usant d’une palette de vocabulaire plus riche encore, cette poète de haut parage nous jette un sort par le truchement d’une entêtante incantation qu’elle a intitulée Jadis vivait ici. Relents d’un Moyen Age baroque et farceur, cruel et païen. Mélopée psalmodiée par une sorcière aux cheveux de feu et à la bouche d’or : « ça reviendra, le silence sous la pierre. Ça reviendra sous la mémoire, le silence. Chardon bleu des sables . Epine de Judas. Chardon-bénit. Chardon-Marie. Ça reviendra, l’homme en son manteau rouge. L’écharde sous l’ongle. La herse abattue. Ça reviendra, la ronce, le robinier et le prunier sauvage. » Comment ne pas songer à un grimoire aux grimaçantes figures, à l’un de ces livres maudits ? « Pipistrelles. Roussettes. Battements d’ailes dans tes cheveux. Nuit mauvaise aux oreilles pointues. » Totentanz baroque, Charme vénéneux, philtre où se mêlent la barbe de chanoine, le myrte sauvage, le doigt de bergère et le poivrette d’or… Entre Bosch et Rabelais, car jamais la farce n’est loin, l’un de ces livres qui ne ressemblent à rien – un talisman.

 

Christopher Gérard

 

Corinne Hoex, Jadis vivait ici , Poèmes, L’Age d’Homme, 92 pages, 14€. Chez le même éditeur : Décollations.

 

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