Jacques Josse/Marco Pantani a débranché la prise : Le flibustier des cimes.

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Toute la vie de Jacques Josse est rythmée par les livres, ceux qu’il écrit, ceux qu’il lit, ceux dont il parle et ceux qu’il publie. Outre qu’il ait été président de la Maison de la Poésie de Rennes, il a dirigé la revue Foldaan avec au sommaire des textes de Pierre Dhainaut, de Jean-Pierre Chambon, de Yves Prié, de Georges Perros, d’Alain Jégou, d’Antoine Émaz, de Michel Dugué, de Pierre Autin-Grenier, pour n’en citer que quelques-uns. Il a aussi créé et animé pendant vingt ans les éditions Wigwam où il aura publié pas moins de quatre-vingt écrivains parmi lesquels un poète que je considère comme essentiel mais qui est injustement méconnu en dehors d’un certain cercle : Pierre Peuchmaurd. Par ailleurs, il dirige depuis quelques années la collection « Piqué d’étoiles » aux éditions Apogée. Sur son blog, sur « remue.net », il écrit des notes de lecture particulièrement pertinentes, souvent sur des auteurs peu connus mais qui valent le détour. Ecrivain, il a publié une trentaine de livres, dans des proses courtes et précises qui ne font aucune concession à la facilité et aux artifices du style : les mots sont là pour montrer, non pour démontrer, et, dans une mise à nu du Verbe, aller au plus direct, dire au plus près des choses. Son œuvre est en partie autobiographique et voyage entre le vécu et la mémoire, mais telle qu’elle peut aussi réinventer le réel.

Avec son dernier livre : « Marco Pantani a débranché la prise », publié aux éditions « La Contre Allée, Jacques Josse s’attaque à une figure du cyclisme. Il ne l’a pas choisi par hasard. Comme tous les écrivains qu’il affectionne et dont il parle dans ses livres, Pantani, dans un autre domaine, a tout pour le séduire : un solitaire, un rebelle, un malchanceux sur lequel le sort s’acharne et qui finira de mort brutale. Ceux qui connaissent bien l’œuvre de Jacques Josse ne feront pas de cet ouvrage un livre à part. Il s’intègre au contraire dans la continuité. En artisan, l’auteur poursuit son travail sur la phrase. Il scie, rabote, élimine les copeaux inutiles, allège. Les phrases sont courtes pour s’adapter au rythme de la course. Pour nous lecteurs, c’est dans cette écriture épurée que Pantani s’élance, sue, escalade les cols. Voyons plutôt :

 

 « L’Alpe d’Huez, département de l’Isère, 19 juillet 1997. Les coureurs abordent en fin d’après-midi l’ultime ascension du jour, terme de la treizième étape. Marco entre en scène dès la première rampe. Il part en flibustier. Ne se retourne pas. Monte en danseuse. Décramponne un à un tous ses adversaires. Il se concentre sur sa respiration. Ses gestes sont fluides et harmonieux. Son visage ne trahit nulle appréhension. On le sent sûr de lui. Il saute de lacet en lacet avec une facilité naturelle. Il est seul dans ce théâtre de pierre. Il court à l’instinct et à l’ancienne. Oubliées les chutes, la poisse, les disettes, les galères. Son style est aérien. Lucide, il écarte du bras un type déguisé en indien qui le gêne dans son effort en courant dangereusement à ses côtés. La foule qui envahit la route ne lui réserve qu’un passage étroit. Qui s’ouvre au dernier moment et se referme aussitôt… »

 

Comme dans toute tragédie, Jacques Josse aime ainsi à donner le lieu et le temps. Il n’écrit pas une biographie, mais nous donne plutôt à saisir comme sur le vif des moments : les victoires, les défaites, les abandons, les accidents, l’espoir et le désespoir d’un grand champion marqué par le destin et qui finira sa carrière le corps brisé.

Il y a chez Jacques Josse une empathie communicative : on répond présent, on est là avec Pantani, on l’accompagne, on souffre avec lui. Car, en plus de ses qualités littéraires, indéniables, ce livre est aussi un reportage passionnant qui ravira tous les amateurs de cyclisme.

 

                                                                Alain Roussel

 

 

 

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