Antoine Piazza, "Un voyage au Japon" : Ce livre est poème
Pour faire un écrivain, il faut une langue. Certains disent avoir
du style. Comme cette fameuse signature des éditions de Minuit. Il semble
que la collection La Brune veuille s’affirmer. Elle publie d’étonnants ouvrages
dont Les Déferlantes sont devenues leur étendard. Mais il y a d’autres
perles. Des livres difficiles d’abord, parfois. Mais qui récompensent le
lecteur assidu. Celui qui aura le courage de pousser plus loin que la page 20.
Le cinquième livre d’Antoine Piazza est à classer dans cette catégorie. S’il
s’affranchit des canons, il demeure une œuvre première. Car il n’est pas qu’un
récit de voyage. Il dépeint une quête intime. Une épreuve menée à l’extérieure
- dans le Japon hivernal sous des flots de neige fondue - pour trouver la paix
intérieure. Et cela serait demeuré un journal personnel s’il n’y avait eu cette
écriture. Si singulière qu’elle renouvelle le genre et lui donne une
perspective impressionnante...
Une manière de faire entendre sa différence.
Février 2007. Profitant des vacances scolaires, Antoine Piazza, enseignant sétois, débarque au Japon avec deux sacoches. Et un vélo ! Comme d’autres traversent le Pacifique en sens contraire, lui s’amuse à crapahuter dans les montagnes japonaises... en plein hiver. C’est plus drôle, sans doute... Son dévolu jeté sur l’île de Shikoku - la plus petite des quatre grandes îles de l’archipel - il débute l’expérience par des petits tracas d’étapes. Au Japon, par exemple, on doit démonter son vélo pour prendre le train. Même si celui-ci est vide. Même s’il y a un emplacement de fret. Mais Piazza ne s’arrête pas à ces détails.
Parfois devant dormir dans une pièce glacée d’un hôtel microscopique oublié,
parfois perdu sur des routes brumeuses, ou dans une suite junior d’un grand
hôtel désert, il n’a en tête qu’un seul objectif. Et il continue son périple et
pédale, pédale, pédale...
N’étant jamais venu, le choc est total, immédiat, immense. Cette nature
universelle qui s’ouvre à lui dans la pluie céleste l’empoigne. Il viole son
intimité pour y découvrir des pensées nouvelles. Des relations inattendues avec
ce monde si particulier.
L'absence de communication - Piazza ne parle pas japonais, les habitants de l’île ne parlent que japonais - ouvrent d’autres axes d’entente. Sans parler, avec des gestes et des regards, il se passe quelque chose. Et ce dialogue muet entraîne, comme en psychanalyse, la remontée d’autres aventures, d’autres expériences extrêmes. Irlande, Finlande, Ecosse. Peu d’événements marquants - quoique - mais surtout une langue. Classique, toute en rondeurs et sonorités chaudes, cette voix est musique. Ce livre est poème. Cet auteur est étonnant...
Annabelle Hautecontre
Antoine Piazza, Un voyage au Japon, coll. "la brune",
Rouergue, janvier 2010, 160 p. - 15,50 €
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