Le Dictionnaire de Laurent Baffie : l’alphabêtisier

On a trop tendance à le passer sous silence (ce qui vaut peut-être mieux) mais Laurent Baffie fut un homme de cinéma. Il a commis un mémorable Les Clefs de bagnole (dont le slogan était « N’y allez pas, c’est une merde ») que, comme tous les films mémorables, il est souhaitable d’oublier. Un film foutraque où se bousculaient des célébrités qui n’avaient rien à dire et le disaient bien. Un film de potache éclairé qui a plus sa place dans une soirée fumette que dans une salle de cinéma. Le bougre n’a pas récidivé. Sans doute en raison de l’échec (en nombre d’entrées) de cette production qui n’a pas dû coûter bien lourd. Il aurait pu faire des suites : Les Clefs de mon Solex, Les Clefs du champ de tir ou Les Clefs de mon Anglaise. Toujours est-il que cessant (momentanément ?) d’être un homme de cinéma, Laurent Baffie devient homme de lettres.


Un dictionnaire, ça vous classe un homme. Niveau académicien, pas moins. Pas forcément la Française mais au moins la Gauloise. Car l’auteur ne pantoufle pas dans le conventionnel. Son livre tient plus du litron que du Littré. La rousse en doux volumes, comme le disait si bien Jacques Lanzmann dans un revue sur papier glacé que ne désavouerait sûrement pas Baffie.


L’auteur, puisque c’est désormais ainsi qu’il faut l’appeler, trouve des définitions amusantes pour des mots qui ne le sont pas forcément. Croire qu’il s’agit d’un travail bâclé, rédigé à la va-vite sur un coin de table de bistrot, serait une cruelle erreur. Baffie est un bosseur. Il a sué plusieurs années sur des feuilles blanches triturant à la fois les mots et son imagination pour construire des définitions cinglantes, pertinentes et drôles. Baffie en a même beaucoup biffé, baffant la facilité en bafouant le conventionnel. Le résultat tient de Tristan Bernard et de Frédéric Dard, ce qui, à mes yeux, est gage de qualité.


Et puisque le Laurent aime le cinoche, il en parle (un peu) et l’évoque (plus souvent) dans son dico qui contient tout de même 500 définitions de bon et de mauvais aloi. En voici quelques exemples :


Western : film à deux balles où le méchant en prend une.


Bide : film avec un ventre mou.


Martingale : système de jeu qui permet de revenir au casino pour gagner. Ex : le retour de martingale.


Voilà donc le travail. Mais quel résultat ! Baffie rencontre plus de succès dans les librairies que dans les salles obscures puisque, depuis sa sortie, son dico est classé parmi les meilleures ventes. Un best-seller, un vrai. Le Petit Robert n’en revient pas ! Le public se rue et rit. Il faut saluer l’exploit dans un secteur qui n’en finit pas d’être en crise. Baffie n’est pas un bouffon et mérite ses lettres de nobliau.


Et puisque nous en sommes à nous amuser autour des définitions loufoques, je me permets d’en glisser une à l’oreille aiguisée du spécialiste :


Ciel : Pour atteindre le septième, il est conseillé de grimper au rideau.


Quant aux clefs de sa bagnole, qu’il se rassure, on les a retrouvées. Par contre, on a piqué sa caisse pendant que lui piquait notre curiosité.


Philippe Durant


Laurent Baffie, Le Dictionnaire de Laurent Baffie, Kero, 205 pages, novembre 2012, 15,90 €

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