Retour à la Hague avec Claudie Gallay, l'auteur des Déferlantes

RETOUR A LA HAGUEA l'occasion de la sortie de son roman, Les Déferlantes, Claudie Gallay nous a accordé un entretien que voici. Un retour à la Hague.


- Tout d'abord pourquoi ce titre Les Déferlantes ?

Claudie Gallay - Les déferlantes, ce sont les vagues qui viennent cogner contre la terre, elles érodent, détruisent, font un travail de sape incessant. Elles lavent aussi, elles emportent, découvrent, mettent à nu. Parfois, c'est la trêve et puis ça cogne à nouveau. J'ai vu l'image de la vie dans ce mouvement, tout ce qui secoue nos existences, nous bouscule, dévoile les secrets.


-  Pourquoi avoir choisi cette région qu'est la Hague, souvent réduite au nucléaire, comme lieu et place de votre roman ?


Claudie Gallay - J'aime les endroits qui s'imposent physiquement. La Hague, c'est quelques kilomètres carrés de vent, de lumière, de lande sauvage, et la mer qui vous submerge. Le corps, là-bas, est essentiel. Ce livre, je l'ai écrit en marchant. Cette terre correspondait à une attente, une rencontre nécessaire. Ce fut d'abord un lieu où me poser, et puis l'écriture est venue.


Etant originaire du cap de la Hague, j’ai été impressionnée par la précision des descriptions et de la géographie des lieux décrits dans le roman : d’où vous vient une telle connaissance de la région mais aussi de la mentalité des gens de la Hague (La Hague, c’est la Hague et sûrement pas la Normandie !)

Claudie Gallay - J'ai aimé la Hague, le premier jour, j'ai été happée. Cette terre m'a rendue forte, j'ai eu ce sentiment-là d'être nourrie, abreuvée, "dessoiffée", le bruit, les odeurs, j'ai tout pris et j'ai traîné sans ménagement, des jours, j'ai observé, je suis devenue "éponge". J'ai vu les silhouettes se détourner de moi, disparaître dans les maisons. J'ai marché les embruns dans les yeux. J'ai écouté ceux qui me parlaient. J'ai écrit à partir de tout cela.
 
- De tous les lieux décrits dans le roman, lequel voudriez-vous que le lecteur retienne ?

Claudie Gallay -  Chaque lecteur lit et retient en fonction de ce qu'il est, de sa propre histoire et de son cheminement. Le café, les sentiers, la grève, tout cela est intimement lié. L'eau suinte des murs, pénètre dans les maisons. Le caractère des personnages est forgé par les éléments. Il ne faut pas penser la Hague en frontières. Pour moi, le lieu le plus fort reste le phare parce qu'il est le coeur, qu'il soit éteint ou que ce soit la nuit, c'est la lumière vers laquelle les hommes se tournent.
 
- Dans votre roman, vos personnages ont des caractères atypiques, ils sont peu causants, votre écriture même le traduit, pensez-vous que cela corresponde réellement aux caractères des gens de la Hague ? 

Claudie Gallay -. Les habitants de la Hague sont discrets, pudiques, ils savent qu'il n'est pas toujours utile de parler. Dans mon écriture, chaque mot compte. Chaque silence. Chaque non-dit. Les gens que j'ai rencontrés m'ont dit que c'était ainsi pour eux, dans leur vie.

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De même certaines situations vos personnages semblent d’un autre temps comme cette fillette surnommée la Cigogne, son père ou encore Max. Le roman, bien qu’ancré dans le présent, semble parfois anachronique : pourquoi ?

Claudie Gallay -  Max et la petite Cigogne n'avancent pas au même rythme que les autres personnages. Ils ont un autre mouvement. J'aime les personnages intemporels. Ils auraient pu vivre il y a longtemps mais ils sont d'aujourd'hui, alors ils doivent trouver des solutions et tenter de s'en sortir. Max a son bateau et l'amour des mots. Je me sens proche de lui, peut-être pas vraiment douée pour vivre dans le temps présent. Mon bateau à moi, c'est l'écriture. 

 - Les Déferlantes mêlent amour, quête de soi, quête de l’autre, le tout dans une atmosphère pesante où la douleur et les secrets des personnages évoluent : vouliez-vous transmettre un message particulier aux lecteurs ? 


Claudie Gallay - Je n'ai pas de volonté de message. Ma seule exigence est de laisser remonter le plus honnêtement possible ce que je porte en moi. Le plus justement, à partir de ce que je suis, de mes peurs, de mon passé, de mes désirs. Mon écriture est une mise à plat de ces forces. 

Quel personnage est selon vous le plus profond, le plus sincère ?

Claudie Gallay - Lambert doit se guérir de son enfance. La narratrice fait le deuil d'un homme aimé. Elle veut aimer à nouveau, ne pas être une femme sans amour. La vieille Nan, Lili, sa mère, Théo, ils sont tous sincères, collés à leur vie, englués peut-être, écorchés sans doute. J'aime beaucoup Raphaël parce qu'il sculpte la vie avec de la terre, sans faire la moindre concession. 

- Cette femme et sa douleur, les différents personnages, la mer, la Hague finalement qui est le véritable « héros » de votre roman ?


Claudie Gallay- La Hague bien sûr.

La tarte aux pommes du 5 place de la Fontaine à Cherbourgy avez-vous goûté ou préférez-vous une autre de leurs pâtisseries ?


Claudie Gallay - Les pâtisseries qui portent une histoire, sont plus savoureuses que les autres. Quand je mords dans l'une de ces tartes, le goût de la pâte, de la pomme, forcément, je pense à Prévert. Parfois, j'ai envie de me tourner vers d'autres choses. Je ne le fais pas. Travail de mémoire, et puis je suis un être d'habitudes.


Propos reccueillis par Julie Lecanu
(juin 2008)
 


Lire l'article consacré aux Déferlantes de Julie Lecanu 

Lire l'article consacré aux Déferlantes d'Annabelle Hautecontre  

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