Thierry Brun dans la ligne de mire

A l'occasion de la publication du très sombre et exaltant La ligne de tir, dont nous avons déjà eu le plaisir de rendre compte, rencontre dans les ruelles glauques de Nancy avec Thierry Brun pour un entretien décalé.

Vos romans sont empreints de noirceur, comme si le genre polar vous permettait surtout de peindre un tableau douloureux et sombre.

Thierry Brun.  Ah mais pas du tout ! Noirceur ? Peut être. Blancheur sûrement : celle des visages de la nuit sous l'éclairage cru d'un spot. Révélateur le spot... La lumière, ça te déchire le regard, ça pénètre le cerveau et t'ouvre en deux.... C'est ça que je veux écrire ; raconter le réverbère. Des petites histoires de nanas et de mecs qui une fois dans leur existence passent dans le cône de lumière de ce réverbère... Rien de douloureux et sombre je pense. A vous de voir : le lecteur et sa lecture font le livre.

Vos personnages sont des archétypes, même s'ils sont poussés chacun profondément et sont bien vivant. Vous écrivez comme pour un film ou une BD ?

Thierry Brun. Je ne pense pas écrire des polars ou des thrillers. D'autres le font autrement mieux que moi et avec talent. Ils maitrisent les codes, peignent des toiles aux couleurs de ces mondes référencés. Ma culture polar et thriller est quasi nulle. Alors oui, j'essaie de parler de certains moments de vies, de raconter des formes de marginalités en et au dehors de la société. Les inadaptés. Archétypes ? Nous sommes tous des archétypes, non ?Sombre et douloureux le tableau ? Je ne pense pas, mais peut être. Mais il suffit d'une étincelle d'amour et la souffrance est balayée. L'amour scie les genoux du plus guerrier d'entre nous. Et je pense que je parle essentiellement d'amour et de son manque.La BD ça me tente bien. Les cadrages, les lignes de duites... Peut-être un jour. 

Vous vous êtes inspiré des films noirs des années 50 ?

Thierry Brun.  S'il y a une inspiration consciente et revendiquée, elle prend sa source chez Sautet, Jean Pierre Melville, certains écrivains comme Djian,Joël Houssin. Les thèmes dominés par les solitudes dans la multitude, l'échec, pas inéluctable tout de même de nos tentatives de briser les chaines de l'enfance et puis la mort aussi. Mais je me rends compte en répondant que oui ces thèmes sont présents dans les films noirs des années cinquante.

Et pourquoi, sur vos couvertures, il n'y a pas de gonzesses à poil comme dans SAS ? 

Thierry Brun. Le plan cul, j'aime le lire chez les autres. Je préfère nettement écrire un passage d' une femme sous le soleil qui relève son tee shirt dévoilant sa poitrine pour tamponner son visage en sueur... Un geste brut qui appartient aux hommes et qui envoie un message. Mes héroïnes sont des Malko. 

Le ninja chez vous c'est un fantasme de vieille pucelle ou de guerrier ?

Thierry Brun.  Il n'y a pas de ninjas chez moi. Peut être une kunoichi revendiquée, et encore. Si j'emprunte des thèmes comme la furtivité, la dissimulation, je préfère ceux du chemin solitaire et de l'oubli. Le ninja est pour moi une figure romantique colporté par le siècle. celui du chien de guerre correspond mieux à mes fantasmes de vieille pucelle.

Monsieur Brun, pas triste comme couleur ? 

Thierry Brun.  Je veux répondre à celle-ci ! J'ai passé une petite décennie à m'étourdir dans des fêtes et à faire le mariole, et ça ne me correspond plus. Comme pas mal de potes, je me suis retrouvé dans des lieux et des situations pas catholiques avec des doses de machins répréhensibles dans le sang. Je pense qu'à cette époque je voulais démontrer que Monsieur Brun, pas triste comme couleur. Hé hé hé.

Propos recueillis sous la contrainte d'une arme par Loïc Di Stefano (juin 2012)


NB : Thierry Brun est Chroniqueur-invité, membre de l'équipe du Salon Littéraire.  

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