Hannah Arendt, le film, entretien avec la réalisatrice Margarethe von Trotta

Quand nous appelons Margarethe von Trotta pour lui demander une interview, elle s’excuse immédiatement — et à tort — de la mauvaise qualité de son français. Mais nous sommes déjà dans le sujet : son Hannah Arendt n’est-il pas une réflexion sur le logos ?


« L’homme est le seul animal qui refuse d’être ce qu’il est. » 

                                                             Camus, Carnets.


Puisque le film de Margarethe von Trotta Hannah Arendt est sur les écrans français depuis deux semaines et a déjà attiré un certain nombre de spectateurs, il est inutile d’alourdir par une longue introduction l’interview de la réalisatrice que nous publions ici. Inutile de revenir en détail sur ce que ce film « raconte ». Mais nous voudrions toutefois tenter de préciser ce dont il traite en disant un mot d’un des multiples articles auxquels il a donné lieu. Dans l’une de ses dernières chroniques du Figaro, Luc Ferry, avec une perfidie inattendue, fait d’une pierre deux mauvais coups. Il explique qu’Hannah Arendt s’est trompée du tout au tout dans sa théorie de « la banalité du mal ». En gros, elle aurait dû commencer par relire Baudelaire et se persuader que la plus grande ruse du diable, c’est de nous faire croire qu’il n’existe pas. Certes, lorsqu’elle arrive à Jérusalem pour assister au procès d’Eichmann, elle découvre un accusé qui ressemble bien plus à un petit fonctionnaire qu’au génie du mal que tout le monde avait imaginé. De fait, le trait caractéristique de ce « tueur en série » semble être sa médiocrité. Mais, ajoute Ferry, Hannah Arendt a eu le tort de ne pas assister au procès jusqu’au bout : elle aurait vu se dessiner petit à petit un autre Eichmann, beaucoup plus « lyrique » dans sa défense du Troisième Reich et clamant haut et fort sa croyance en la supériorité du peuple allemand. Pour un peu, Ferry accuserait Hannah Arendt de s’être dépêchée de retourner à New York avant la fin de l’histoire, trop heureuse qu’elle était d’avoir trouvé en Eichmann une figure rentrant parfaitement dans la grille qu’elle avait déjà élaborée dans ses Origines du totalitarisme.

Bien évidemment, et bien qu’il n’en parle jamais, Ferry, en critiquant Hannah Arendt, règle du même coup son compte au film de Margarethe von Trotta, visiblement acquise, elle, aux thèses de son héroïne éponyme. L’ennui, c’est qu’on ne voit pas comment elle ne le serait pas, et comment nous ne le serions pas avec elle : les images d’archives, en noir et blanc, qu’elle inclut brièvement, mais très efficacement dans son film, nous montrent un Eichmann qui nous laisse effectivement pantois. Si la cage de verre dans laquelle il demeure enfermé à l’intérieur du tribunal nous met a priori très mal à l’aise (alors même qu’elle est destinée à le protéger), notre malaise fait vite place à la surprise : Eichmann s’installe dans cette « bulle » comme il s’installerait dans un bureau. Calmement, il ajuste sa chaise. Calmement, il pose ses dossiers sur la table. Calmement, il ajuste les écouteurs sur ses oreilles. Quant à sa défense du Troisième Reich, Ferry semble ne pas voir qu’elle est présente dès ses premières déclarations. Pourrait-il justifier sa fidélité au Führer — puisque c’est là-dessus qu’il construit son système de défense — s’il n’approuvait les idées de celui-ci ? Seulement, et c’est là que le bât blesse, la foi qui devrait caractériser toute fidélité véritable est ici contredite par l’automatisme d’une soumission mécanique à l’autorité. Paradoxe sans fond : la notion même de devoir permet à Eichmann de s’exonérer de tout devoir. « Je tiens à déclarer que je considère ce meurtre, l’extermination des juifs, comme l’un des crimes majeurs de l’Humanité, mais à mon grand regret, étant lié par mon serment de loyauté, je devais dans mon secteur m’occuper de la question de l’organisation des transports. Je n’ai pas été relevé de ce serment... Je ne me sens donc pas responsable en mon for intérieur. J’étais adapté à ce travail de bureau dans le service, j'ai fait mon devoir, conformément aux ordres. Et on ne m’a jamais reproché d’avoir manqué à mon devoir. »

Ni coupable, ni responsable, donc. Mais alors, que reste-t-il ? Eh bien, justement, rien. Et c’est cela, c’est cette vacuité que montre le film et qui est insupportable pour Hannah Arendt : oserons-nous dire ici que ce qu’elle reproche à Eichmann, ce qu’elle ne comprend pas chez lui, ce n’est peut-être pas tant les millions de crimes qu’il a organisés, sinon favorisés, que ce premier crime qu’il a commis contre lui-même en refusant de penser ? Cet « auto-effacement » constitue déjà en lui-même un crime contre l’humanité. Camus dit à peu près la même chose lorsqu’il explique quelque part qu’il y a chez tout tueur professionnel une pulsion suicidaire.

Dans une scène du film, le rédacteur en chef du New Yorker se cabre un peu quand, relisant la prose d’Hannah Arendt qu’il s’apprête à publier, il aperçoit le verbe einai — en grec ancien dans le texte. Il n’est pas sûr que ses lecteurs aient le niveau culturel nécessaire pour lire ce genre de chose sans tiquer. « Ils n’ont qu’à apprendre le grec », répond fièrement l’auteur. Mais cette réponse n’est pas aussi méprisante qu’elle en a l’air : si les lecteurs apprennent le grec, ils sauront ce que signifie einai, et, du même coup, tous autant qu’ils sont, ils apprendront à être.



Ne pourriez-vous pas reprendre à votre compte la formule par laquelle les Frères Coen avaient défini la manière dont ils construisent leurs films : « Language is how you work your way into the story » ? La question du langage est au cœur de votre Hannah Arendt, ne serait-ce que parce que ce film ne supporterait pas d’être doublé, et parce que, dans le discours qui le conclut, on voit Hannah Arendt employer correctement le mot chips, celui-là même sur lequel on l’avait vue buter dans l’une des premières scènes.

(c) Gabriel Soussan

Effectivement, même en Allemagne, où l’on double systématiquement tous les films, Hannah Arendt a été exploité dans sa version originale multilingue, avec des sous-titres. C’était un gros risque que prenait le distributeur, mais il l’a pris et il a eu raison de le prendre.

La question du langage dans Hannah Arendt n’est pas seulement celle du langage philosophique — c’est celle du langage tout court. Nous avons affaire à des Européens qui débarquent aux États-Unis et qui ont surtout étudié le latin et le grec. Ils parlent un peu français, parce qu’ils sont passés par la France, mais ils ont vite quitté ce pays d’accueil lorsqu’ils ont compris que le fait d’avoir échappé aux « camps d’extermination » n’allait pas leur éviter de se retrouver dans des « camps d’internement », et la langue anglaise constitue pour la majorité d’entre eux un obstacle énorme lorsqu’ils s’installent à New York en 1941. D’autant plus que des gens comme le mari d’Hannah Arendt avaient dans l’idée que cette installation serait très provisoire et qu’ils pourraient retourner très vite en Allemagne. Au départ, le mari d’Hannah ne peut pas et ne veut pas apprendre l’anglais. C’est seulement lorsqu’il comprend l’irréversibilité de la situation qu’il s’y met. Hannah Arendt, elle, a réagi beaucoup plus rapidement et a tout de suite décidé qu’il fallait parler anglais. Elle a été jeune fille au pair (enfin, jeune femme au pair, puisqu'elle avait déjà trente-cinq ans !) dans une famille américaine, comme moi plus tard dans une famille française, et elle a appris l’anglais comme une écolière, pour ne pas dire comme une analphabète. Bien sûr, le couple chez qui elle était n’a pas été long à comprendre et à admettre qu’il n’arrivait pas intellectuellement à la cheville de cette pensionnaire. Il n’empêche que pour celle-ci, c’était une situation terrible. Moi-même, encore aujourd’hui, je sais quelles difficultés j’éprouve dans certains cas pour exprimer ma pensée en français. C’est pourquoi, m’inspirant d’une lettre, j’ai fait dire à son mari que l’allemand était pour elle un Stradivarius et l’anglais le crincrin d’un musicien ambulant. Nous avons rencontré la jeune fille (devenue aujourd'hui une vieille dame de quatre-vingts ans...) qui lui servait d’assistante ; elle nous a raconté que, quand la « tribu » arrivait, on commençait par parler anglais, mais quand la discussion s’échauffait, on revenait à l’allemand… en faisant fi de ceux qui ne comprenaient pas l’allemand.


Quel rapport entretenez-vous vous-même avec les langues, puisque vous êtes quadrilingue ?


L’anglais est la langue qu’on apprenait d’autorité à l’école. La première langue vivante. Le français était la seconde.

Je connaissais un peu le français quand je suis arrivée en France pour y être jeune fille au pair, et, de toute façon, je ne saurais dire que, comme Hannah Arendt, je fuyais mon pays. Et pourtant ! Il pesait, sur cette Allemagne des années cinquante, comme une chape de plomb. Hanna Schygulla, Jutta Brückner et Ulla Stöckl (ces deux dernières allaient comme moi devenir réalisatrices) et moi-même avons toutes été jeunes filles au pair en France à la même époque. Nous n’étions pas là uniquement pour apprendre le français. Nous voulions échapper à l’atmosphère carcérale qui régnait alors en Allemagne.

Je parle italien parce que j’ai vécu sept ans à Rome. J’avais seize ans quand j’ai découvert Rome. Je résidais dans une auberge de jeunesse, mais je suis vite tombée amoureuse de cette ville — mon goût pour l’archéologie et l’histoire de l’art pouvait s’y satisfaire mieux qu’ailleurs — et j’ai commencé à parler italien.

Je suis alors venue en France, mais Volker Schlöndorff, mon second mari, qui était francophile, qui avait passé son baccalauréat, qui avait fait ses études au Lycée Henri IV avec Bertrand Tavernier et avait été l’assistant de Jean-Pierre Melville et de Louis Malle, avait une maison en Italie, près de Florence. Là, j’ai parlé italien avec les paysans. Et puis, après Rosa Luxemburg, et alors que Volker et moi étions en train de nous séparer, un producteur m’a proposé de réaliser Paura e Amore (Trois sœurs), d’après Tchékhov. Et, après ce film, j’en ai fait tout de suite un autre, avec le même producteur. Entretemps j’étais tombée amoureuse d’un Italien. C’est ainsi que je suis restée sept ans en Italie.


Comment apprenez-vous une langue ? Simplement en parlant ou en vous plongeant dans des grammaires ?


Le français, avec une grammaire, même si j’ai tout oublié ! Mais je me souviens quand même du subjonctif… L’italien simplement en parlant. Toutefois, lorsque j’ai écrit mon premier scénario italien, avec Dacia Maraini, celle-ci m’a enseigné les règles du subjonctif. Je marque toujours une petite pause après un si en italien. Je sais qu’il faut le subjonctif, mais je ne l’emploie pas naturellement. Il faut que je réfléchisse…


Diriez-vous que le fait d’avoir été apatride pendant une quinzaine d’années a contribué à vous donner ce goût des langues ?


Le goût des langues, je ne sais pas. Mais l’envie de découvrir l’Étranger. Allez donc, quand vous êtes allemand ou, comme je l’étais, simplement germanophone, trouver quelqu’un qui parle allemand hors de l’Allemagne ! C’était d’ailleurs la difficulté de l’Allemagne : nous étions au milieu de l’Europe, mais personne ne parlait comme nous ! Ma mère parlait russe, français, allemand, portugais et italien. Mais relisez Tolstoï ou Dostoïevski : les nobles russes parlent français ; parlent allemand les enseignants idiots sortis tout droit de la campagne.


(c) Gabriel Soussan

Lorsque Hannah Arendt est abordée par des agents du Mossad qui viennent lui reprocher le contenu de ses écrits, celui d’entre eux qu’elle reconnaît, né allemand comme elle, continue de lui parler en anglais alors même qu’elle s’est tout de suite adressée à lui en allemand…


Il est israélien et il refuse de parler allemand. Comme beaucoup d’autres. Même si tout cela appartient au passé. Mais c’est là que se démarque très nettement Hannah Arendt : elle n’a jamais refusé la langue allemande — la langue de Goethe, de Schiller, de Kant. Elle a toujours considéré que sa patrie, c’était sa langue, et qu’il ne fallait en aucun cas se servir de celle-ci pour faire l’amalgame entre l’idéologie nazie et l’âme allemande (à ceci près qu’elle n’aurait jamais employé le mot âme).


Hannah Arendt est rempli de jeux de mots, verbaux et visuels, comme si vous vouliez montrer à quel point il est difficile de donner à la réalité une définition précise. Par exemple, dans le premier plan, il y a les deux phares de cette voiture qui surgissent dans la nuit, mais qui ne sont pas loin de disparaître totalement quand la caméra se retrouve presque sur la calandre. Ou, dans un flashback, cette porte qu’Hannah Arendt ouvre pour quitter Heidegger et qui sert de transition avec le plan suivant, où elle l’accueille chez elle…


Un tel raccord est prévu, écrit dans le scénario, mais son sens relève de l’inconscient. Si l’on faisait tout avec une intention, on n’en sortirait plus ! Dans le premier plan, les phares de la voiture qui surgissent de la nuit, ce sont pour moi deux yeux qui remontent du passé, des temps obscurs. Je ne dirais pas, comme ont pu le dire des étudiants quand le film a été présenté au Festival de Pessac, que ces phares sont la Pensée venant à notre rencontre, mais l’image ne me déplaît pas. Tout tourne autour de la lumière. Au moment où Eichmann perd sa torche, Hannah Arendt allume sa cigarette. Elle reprend la lumière. Elle est déjà, d’une certaine manière, liée à lui.


Eichmann ne cesse de jouer sur les mots. Quand on lui demande s’il n’a pas été le lieu d’un conflit intérieur, il répond : « Pas un conflit. Une dualité plutôt. » Quand on l’interroge sur le serment qu’il avait prêté au Führer, il répond que devant cette cour de justice israélienne aussi, il a dû prêter serment. Bref, il se défend au nom de la Fidélité…


Je ne suis pas sûre que sa fidélité au Führer ait été innée. La fidélité d’Eichmann à Hitler, ce n’est pas la fidélité de Roland à Charlemagne. Ce n’est pas une vertu. Eichmann a beau n’être qu’un petit bureaucrate, c’est un carriériste. Quand on lui demande s’il a été libéré de son serment après la mort d’Hitler, il répond oui sans hésiter, ce qui indique qu’il n’est pas attaché à un idéal. Ce qui le caractérise, c’est la soumission à l’autorité. Je le montre très rapidement dans le film, mais, face à ses juges, face à cette nouvelle autorité que représente pour lui ce tribunal israélien, il ne répond jamais Ja, mais toujours, très militairement, Jawoll. Tout cela, en outre, dans un allemand abominable, avec une syntaxe sans queue ni tête. Succession de clichés, d’expressions toutes faites, de formules bureaucratiques…


Le thème du bouquet de fleurs est récurrent dans votre film. Est-il là pour rappeler que le Mossad a eu l’assurance que l’homme qu’il soupçonnait d’être Eichmann était bien Eichmann quand celui-ci est arrivé chez lui un bouquet de fleurs à la main le jour anniversaire du mariage d’Eichmann ?


Je ne connaissais pas cette histoire. Si ç’avait été le cas, cela voudrait dire que j’aurais établi un lien entre Eichmann et le mari d’Hannah Arendt, et ce serait terrible ! De toute façon, offrir des fleurs à sa femme le jour de l’anniversaire de son mariage est une chose assez commune. Mais nous voyons dans le film que le mari d’Hannah l’attend avec des fleurs quand elle revient d’Israël alors qu’il n’a pas l’habitude de lui en offrir — c’est moins conventionnel !


Heidegger explique à Hannah Arendt jeune que « penser est une activité solitaire », mais, quand elle arrive aux États-Unis, du fait même de la barrière de la langue que nous avons évoquée, elle a besoin d’être aidée pour exprimer sa pensée. Où est donc la vérité ?


Pour elle, penser reste un acte solitaire, mais contrairement à Heidegger qui joue les ermites dans sa hutte au milieu des neiges, elle s’ouvre vers le monde. L’attitude de son maître la fait rire. On voit Hannah Arendt souvent allongée dans le film : c’était la position qu’elle adoptait pour penser. Do not disturb. Acte solitaire, donc. Mais, passé cette première phase, vient le contact avec les autres. Ce mouvement n’existe pas chez Heidegger. C’est ce qu’il reconnaît devant elle quand il affirme son inaptitude à comprendre la politique.


Quel est le sens d’un film comme Hannah Arendt aujourd’hui ? A côté du devoir de mémoire, dont on nous rebat les oreilles, n’y a-t-il pas un devoir d’oubli, si l’on veut que le monde progresse ?


Je veux bien que les juifs oublient. C’est peut-être la condition nécessaire pour qu’ils renaissent. Mais je n’accepte pas cette idée pour les Allemands. Vous savez, je ne suis pas allée chercher les films que j’ai faits. Ils sont venus vers moi. C’est Fassbinder qui devait réaliser Rosa Luxemburg. On m’a expliqué que je devais prendre la relève parce que Fassbinder était mon ami. Rosenstrasse m’a été « imposé » par Volker Schlöndorff, parce que c’était un film « avec des femmes ». Bien sûr, j’ai suivi ma propre route quand j’ai fait ces films, mais l’initiative ne venait pas de moi. Même chose pour Hannah Arendt. Le sujet m’a été suggéré par un ami. Au début, je n’étais pas d’accord. Puis, petit à petit, je me suis faite à cette idée.

Je pense que ces trois films constituent une espèce de trilogie, mais je m’en aperçois rétrospectivement : ils n’avaient pas été conçus comme tels au départ. Hannah Arendt avait été initialement envisagé comme un biopic. C’est quand nous nous sommes rendu compte qu’un film de deux heures serait beaucoup trop court pour un tel projet que nous avons choisi de nous concentrer sur ce moment de confrontation entre nous-mêmes et notre histoire.


Un témoignage en voix off sur Mengele laisse supposer qu’à côté de la banalité du mal qu’on trouve chez un Eichmann, il y a aussi une folie du mal… Et n’est-ce pas pour cette raison que votre film se termine par un carton indiquant que Hannah Arendt a poursuivi jusqu’à son dernier jour sa réflexion sur le mal ?


Il y a eu lors du procès d’Eichmann de très nombreux témoignages sans rapport direct avec l’accusé — et que Hannah Arendt trouvait « hors sujet » —, mais qui n’en restent pas moins gravés dans les mémoires. Ils marquaient, pour ainsi dire, le retour des morts. Se dressaient là, sinon des spectres, du moins des témoins de l’horreur.

Le carton final indique l’inachèvement propre à toute réflexion philosophique. Ce qui est indiqué dans le discours d’Hannah Arendt lorsqu’elle explique qu’elle s’est trompée en pensant qu’il existait un mal radical. Il n’y a pas de racine du mal. C’est un champignon qui se répand ici et là.


Propos recueillis par FAL


HANNAH ARENDT

un film de Margarethe von Trotta, avril 2013, 1h53, avec Barbara Sukowa, Axel Milberg, Janet McTeer


Merci à Gabriel et Annie Soussan pour leur amabilité et leur efficacité.

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4 commentaires

Sur les thèses d'Hannah Arendt, on peut dire qu'elles font débat. Elle a cependant minoré un point: l'importance de l'idéologie nazie chez Eichmann. Nombre d'historiens ont depuis les années 60 démontré qu'il en était complètement imprégné, il ne s'agissait pas d'un simple bureaucrate en uniforme. Pour le reste, son livre "Eichmann à Jérusalem" est de bout en bout passionnant et pousse à la réflexion intellectuelle sur la Shoah.

Je n'ai pas l'intention d'entrer dans un long débat, puisque je suis fort peu historien. Mais je voudrais qu'on comprenne que l'idéologie nazie et les idéologies totalitaires en général, même lorsqu'elles s'expriment directement par la bouche d'un Hitler, sont de toute façon des idéologies de médiocres. Pourquoi, d'après vous, le Dictateur de Chaplin tient-il la route, aujourd'hui encore ? Parce que son dictateur n'est fondamentalement pas plus impressionnant que le petit coiffeur.

D'accord sur ce point! et Eichmann, comme le souligne Hannah Arendt très justement, était un médiocre. Mister Nobody, si l'on peut dire... Par contre, je dois bien avouer que ce film ne m'a guère enthousiasmé (mis à part la prestation de Barbara Sukowa, déjà excellente chez Fassbinder). J'ai eu le sentiment d'un film illustratif et convenu.

et Hitler n'était il pas un artiste ou architecte frusté ?