Interview. Hugues Royer et la fabuleuse histoire de Vanessa Paradis


Romancier, auteur d’une biographie de Mylène Farmer, Hugues Royer a su trouver les mots doux, l’élégance et la bienveillance pour raconter la fabuleuse histoire de Vanessa Paradis. Comme ceux qui ont été ses Pygmalion, il la révèle, la rend terriblement humaine, proche et mystérieuse à la fois. En biographe averti, il sait qu’une artiste attirée par la lumière comme un papillon de nuit cache une fêlure. Celle qui explique tout, celle que Vanessa masque, affiche, pour mieux l’oublier. Trop choyée, trop tôt propulsée sur le devant de la scène, celle qui fut la gamine de Joe le taxi a toujours cherché à susciter le désir, à être aimée, à retrouver le paradis perdu. Elle aurait pu s’y brûler les ailes, elle a su surmonter l’adversité, son caractère s’est affirmé. Elle a réalisé son rêve : laisser une trace. A travers ses rencontres avec Serge Gainsbourg, Jean-Claude Brisseau, Johnny Depp ou Benjamin Biolay, les témoignages recueillis, Hugues Royer brosse le portrait d’une femme déterminée, lumineuse et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre.

 

Depuis la parution de votre livre, avez-vous eu des nouvelles, des réactions de Vanessa Paradis ? Comment expliquez-vous qu’elle soit restée en dehors de votre travail ?

Par souci de discrétion, Vanessa n’a jamais souhaité collaborer aux livres écrits sur elle. C’est le cas pour cette nouvelle biographie : son agent m’a poliment fait savoir qu’elle resterait à l’écart. C’est un peu frustrant au départ, mais ça laisse finalement plus de liberté à l’auteur. Bien sûr, j’ai envoyé mon livre à Vanessa, mais j’attends encore sa réaction…

 

Qu’est-ce qui fait courir Vanessa ?

Le désir de nous étonner, de partager sa musique avec le public, car c’est une généreuse. Sans doute aussi, pour des raisons plus profondes, le désir de demeurer dans nos yeux un objet de désir, comme ce fut le cas dès ses débuts.

 

Comment expliquer qu’elle « reste une promesse, après vingt-cinq ans de carrière », qu’elle renaît sans cesse ?

C’est son mode de fonctionnement et sans doute lié chez elle à un puissant instinct de survie. Pour durer, elle sait qu’il lui faut se renouveler, toujours chercher l’inspiration ailleurs. Elle s’interdit de se répéter.

 

En Pygmalion, son oncle, Didier Pain l’a lancée. Pensez-vous qu’elle n’existerait pas sans lui ? Qu’avait-elle de plus que les autres gamines de son âge ?

Sans l’aide de Didier Pain, il est certain que Vanessa n’aurait jamais percé à 14 ans avec Joe le taxi. C’est lui, son bon génie, celui qui a été missionné pour réaliser ses rêves. Ce qu’elle avait de plus que les autres gamines de son âge, en revanche, c’est son incroyable détermination. Sa grand-mère me l’a confié : toute petite, elle avait déjà un sacré caractère.

 

Quelles furent les rencontres capitales de sa vie ? Gainsbourg, Jean-Claude Brisseau, Johnny Depp, Benjamin Biolay... Peut-on dire qu’elle a toujours su s’entourer d’hommes qui l’ont révélée ?

J’aborde dans le livre toutes ces rencontres, passionnantes, dont vous parlez. Oui, Vanessa est une muse. C’est son côté féminin, susciter le désir de grands artistes. En même temps, c’est une muse active : c’est elle qui choisit, chaque fois, ceux qui vont la mettre en lumière ou en musique. C’est son côté masculin. Elle n’hésite pas à faire les premiers pas. Son premier talent, c’est de savoir s’entourer de grands talents, parce qu’elle est lucide sur ses propres failles…

 

 

Est-elle une éternelle amoureuse ? Que savez-vous de ses histoires d’amour souvent liées à sa carrière ?

Il y aurait tant à en dire… Disons que, chez elle, l’amour de la musique et l’amour tout court sont intimement liés. Quand elle admire un compositeur, ce n’est jamais à moitié. Ce fut le cas dans les années 1990 avec Lenny Kravitz. C’est encore vrai aujourd’hui avec Benjamin Biolay…

 

Quels sont les témoignages qui vous ont vraiment éclairé et ont levé le voile sur la part la plus intime de sa personnalité ?

Celui du cinéaste Serge Frydman a été particulièrement révélateur. Il m’a permis de saisir les paradoxes de sa personnalité. C’est une femme plus complexe qu’on ne le croit, pas toujours solaire, plus riche de ses doutes que de ses certitudes…

 

Comment expliquer sa double carrière de chanteuse et d’actrice ?

Au départ, Vanessa rêve d’être Marilyn. Mais c’est par la chanson qu’elle impose d’abord son nom. Même si elle préfère la musique, le cinéma lui offre l’opportunité de nous présenter d’autres visages, parfois surprenants. De ne jamais être là où on l’attend. Elle a besoin de ces voyages dans des rôles, comme pour ne pas se fatiguer d’elle-même.

 

Comment avez-vous pu mener cette importante enquête, vous qui venez de publier un roman et êtes journaliste ?

Je me demande encore comment j’ai fait ! Disons que je n’ai pas été tendre avec moi-même. Mais le sujet Paradis en valait vraiment la peine…

 

Qu’est-ce qui vous fascine chez elle ? Etes vous tombé sous le charme de Vanessa ?

Bien sûr, je ne suis pas insensible à son incroyable photogénie. Mais ce qui m’a le plus fasciné, c’est la force de sa détermination. Son mental de guerrière. Ce qui m’a touché, c’est son manque de confiance en elle. « C’est un bulldozer en porcelaine », comme me l’a dit Patrice Leconte.

 

Etes-vous heureux du succès de votre biographie ? Quels sont les compliments qui vous ont touché ?

Certains fans considèrent déjà ce livre comme la biographie de référence sur Vanessa Paradis ; c’est flatteur, bien sûr. Au-delà de ce cercle, je découvre que cette artiste intéresse un très large public, parce que c’est une icône française. Une lectrice, qui avait emmené le livre en vacances, m’a confié qu’elle avait eu l’impression de passer une semaine avec Vanessa. Ça m’a touché parce que c’était mon but : la rendre plus proche de nous.

 

Propos recueillis par Emmanuelle de Boysson

© Photo : Astrid di Collalanza

 

Hugues Royer Vanessa Paradis, La vraie histoire, Flammarion, octobre 2014, 432 pages, 19,90 €

 

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