Interview. Guillaume Siaudeau, La Dictature des ronces : "J’écris toujours comme si j’écrivais de la poésie"


La Dictature des ronces, le second roman de Guillaume Siaudeau, est dans la même veine que le premier, Tartes aux pommes et fin du monde : drôle, mais profond, léger, mais touffu, joliment écrit. Rencontre avec un jeune poète qui entend le rester.

 

Votre second roman évoque l’histoire d’un individu qui part sur une île pour s’occuper d’une maison. En apparence, c’est un sujet léger, anodin. Qu’avez-vous voulu raconter ?

C’est un peu dans la continuité de mon premier roman, Tartes aux pommes et fin du monde paru en 2013. Une nouvelle fois, il s’agissait pour moi d’aborder le thème de la solitude, du manque et de l’égarement. L’action se déroulant sur une île, la mer est omniprésente. La mer me manque beaucoup depuis que je me suis installé à Clermont-Ferrand, alors que je viens de la côte atlantique. J’avais donc envie d’en parler. J’ai essayé d'arranger une histoire d’amour entre le narrateur et la mer.

 

Les personnages que rencontre votre narrateur sont tous un peu des éclopés de la vie – même le chien n’a que trois pattes…

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours eu une attirance et une fascination pour les gens qui ne sont pas bien droits. Ils me fascinent. J'avais envie qu’il y ait sur cette île une foule de gens bizarres. Au final – du moins j’espère que cela transparaît –, plus on avance dans le livre et moins on les trouve étranges.

 

Il y a parfois un côté un peu Boris Vian avec vos livres qui semblent partir dans tous les sens, les personnages plus ou moins surréalistes…

On me l’a déjà dit. Je n'ai pas eu le sentiment de m'en inspirer, mais oui, forcément, j'ai lu beaucoup de Boris Vian alors peut-être qu'inconsciemment cela ressort... Boris Vian a inventé tout un tas d'objets bizarres. Moi, pour le coup, dans ce livre ce sont plutôt des personnages. Quoi qu'il en soit c’est un auteur que j’aime beaucoup.

 

Les chapitres sont très courts, comme des petites chroniques.

C’est de la fainéantise de poète. Plus sérieusement, je viens de la poésie et je ne sais pas vraiment écrire autrement que de façon concise. J’essaie de tout abréger. Pour moi, l’écriture courte est une manière de concentrer les choses. Je pense qu’il n’y a pas besoin d’en faire des tonnes pour dire beaucoup de choses.

 

Comme des poèmes en prose, en quelque sorte…

Voilà. On appelle ça des romans, mais j’écris toujours comme si j’écrivais de la poésie. Pour moi, ce roman est un gros poème, une succession de poèmes.

 

L’humour est omniprésent. On sent une volonté d’aborder des sujets très graves par le biais de l’humour, un peu comme le clown triste.

Je pense que cela définit ce que je suis dans la vie. C’est une manière d’éviter de se faire rattraper par des choses qui nous pèsent. La seule parade que j’ai trouvée est d’essayer d’en rire. Peut-être y a-t-il d’autres solutions, mais je ne les ai pas encore trouvées.

 

Vous avez publié une dizaine de recueils de poésie. On démarre souvent par la poésie, mais c’est très difficile, aujourd’hui, de se faire publier et reconnaître en qualité de poète.

C’est certain. J’ai commencé en publiant dans des revues. Aujourd’hui, il y a un beau réseau en France, avec beaucoup de micro-éditeurs qui ont des revues et qui laissent leur chance à de jeunes auteurs. Et de fil en aiguille, via ces revues et les rencontres, j’ai réussi à publier mon premier recueil, puis un deuxième. Une fois qu’on en a deux ou trois, c’est un peu plus facile. Au final, j’ai dû avoir pas mal de chance de réussir à publier les deux premiers.

 

Vous sentez-vous maintenant surtout poète, romancier… ?

Plutôt poète. Le roman, j’y suis venu un peu par hasard. Le temps m’a permis de m’y essayer, mais je reste un poète. J’écris un roman comme j’écris de la poésie. Poète est ce qui me correspond le plus.

 

Êtes-vous un grand lecteur ?

Oui. À mon avis, il est difficile d’écrire sans lire...

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ?

La lecture, justement. À 8 ou 9 ans, j’ai commencé à lire des petits romans, et vers 14 ans, j’ai découvert des écrivains qui m’ont donné envie d’essayer. Au début c’était plus des nouvelles. C’était une passion, comme ça, sans rien derrière. Plus le temps a passé et plus ça a pris de la place.

 

De quels écrivains s’agissait-il ?

Au tout début, c’était Stephen King, que j’ai lu lorsque je devais avoir 11-12 ans. J’ai récemment relu certains de ses livres, et je trouve que ça a très mal vieilli – du moins par rapport à l’image que j’en gardais. Mais à l’époque, il m’a vraiment donné envie d’écrire… et de lire, bien sûr. Maintenant, je n’ai évidemment plus les mêmes lectures. Je lis beaucoup de littérature américaine, la Beat Generation, Fante, Bukowski, Kerouac, Brautigan, Carver, Harrison, Auster, Bass, Cather... Je lis également pas mal d'auteurs et poètes français contemporains.

 

Quelles sont vos sources d’inspiration ? Où puisez-vous vos idées ?

Je n’ai aucune autre forme d’inspiration que ce que je vis au jour le jour.

 

Avec une part d’autobiographie, ou tout cela est-il très recyclé ?

Il me parait difficile d’écrire avec 0 % d’autobiographie. Donc il y a forcément une part d’autobiographie, mais elle est très diluée dans ce que j’écris. Concernant les deux narrateurs de mes deux romans, on suppose qu’ils ont à peu près mon âge… On a donc souvent associé ces narrateurs à ma personne alors qu'au fond ils ne me ressemblent pas complètement que très partiellement.

 

C’est le problème quand on écrit à la première personne…

Oui, tout à fait, alors que j’ai surtout fait ce choix narratif pour que le lecteur puisse s’approprier le personnage, et non pas pour qu’il pense que je suis une partie de ce personnage.

 

Pourriez-vous arrêter d’écrire ?

Maintenant, non. Je ne pense pas. Si j’ai plutôt commencé sur une simple envie, c’est désormais devenu une sorte de thérapie. Je crois que j’aurais beaucoup de mal à arrêter. En fait, je n'ai même pas envie d'essayer.

 

Quand vous commencez un roman, savez-vous précisément où vous allez ?

Non, pas du tout. Certains ont besoin d’avoir un plan tout tracé, de savoir exactement où ils vont. Moi, pas du tout. Une fois que j’ai commencé à écrire, je vais au feeling, jusqu’à la fin. Bien souvent, je ne connais pas encore la fin lorsque je commence à écrire.

 

Pourquoi avez-vous ajouté une sorte de postface à votre dernier roman ?

C’est un exercice qui est demandé par mon éditeur, Alma. C’est une sorte d’autoportrait qu'on retrouve à la fin de tous les romans Alma. Je me suis donc prêté à l'exercice pour parler succinctement de mon rapport à ce nouveau roman dans cette "ligne de suite" (du nom donné à ce texte). 

 

Vous êtes encore jeune, mais quels conseils donneriez-vous à un jeune poète ?

Comme vous le dites, je suis encore jeune. Et justement, je me sens trop jeune pour donner des conseils. La seule chose que je pourrais dire, c’est qu’il faut écrire par plaisir. Cela peut paraître facile à dire, mais je n’ai jamais écrit en me disant que j’allais être publié. J’ai écrit par envie, par plaisir, par besoin. Pour moi, il n’y a que comme ça que ça peut marcher.

 

Propos recueillis par Joseph Vebret (mars 2015)

© Photo : Molly Benn

 

Guillaume Siaudeau, La Dictature des ronces, Alma Editeur, mars 2015, 180 pages, 16 €

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