Interview. Frédéric Vitoux : «Écrire, c’est peut-être aussi une forme de repli, une forme paradoxale de recherche du bonheur»

Assistons-nous à un événement littéraire d’exception et qui fera date dans l’histoire des lettres françaises, celui de la naissance d’un nouveau genre littéraire, les «antémémoires», comme les appelle Frédéric Vitoux de l’Académie française dans son nouveau livre, «Au Rendez-vous des Mariniers»? Il nous y invite, en tout cas, à la fin de son récit où il écrit, en guise de conclusion : «Ces lignes, que j’achève ici, n’ont cherché à évoquer en somme que ce qui précède. Non des anti mais des antémémoires».

Plusieurs éléments nous autorisent à croire que l’événement annoncé par l’écrivain académicien trouve sa parfaite légitimité, et cela pour au moins trois raisons.

D’abord, la perspective auctoriale qui nous est proposée : en se rangeant du côté «des rêveurs, des mélancoliques, des inconsolables et des arpenteurs du temps perdu», de tous les nostalgiques comme lui, l’auteur offre un habit littéraire à ce sentiment commun semblable à «une forme d’obsession, voire d’idéalisation, de l’époque qui a précédé sa propre naissance». Ne pourrait-on pas, d’ailleurs, définir ainsi le sens profond d’une majeure partie de son œuvre littéraire, surtout celle intimement liée au territoire insulaire ludovisien qui résume toute son existence ? Frédéric Vitoux fixe ici son regard aux limites de ce territoire, à l’autre bout du Quai d’Anjou, sur le restaurant qui donnera le titre de son récit.

Deuxième élément : la manière dont ce récit réussit à sublimer les moyens du roman non-fictionnel, en empruntant à son profit son jeu de miroirs entre factualité et fictionalité, jeu qui lui permet d’interroger le passé de ce lieu afin de pouvoir lui redonner vie en évoquant la mémoire des propriétaires de ce lieu de convivialité et de gastronomie comme du souvenir de ses nombreux habitués, plus célèbres les uns que d’autres, de Jean de La Ville de Mirmont à Dos Passos et Hemingway,  de Pierre Drieu La Rochelle à Simenon, à François Mauriac, Céline, Aragon ou Picasso et à tant d’autres.

Et, enfin, la complexité de son univers romanesque : son insularité, sa capacité d’élever l’ordinaire d’une vie au rang de dignité littéraire et surtout celle de greffer l’histoire personnelle à la souche de la Grande Histoire, malgré une certaine tendance à se ranger du côté des «contempteurs du monde moderne», synonyme, sans doute, du titre de désengagés que portaient les personnages d’un de ses précédents romans. Image symbolique, le bistro «Au Rendez-vous des Mariniers» joue ici «le rôle [de rencontre] magique dans une île Saint-Louis ensorcelée, totalement à l’écart des convulsions qui allaient mettre le monde à feu et à sang».

 

Pour échapper «aux analyses si convenues», poussons au plus vite la porte de ce bistro – ou plutôt de celui imaginaire du récit – et attablons-nous en compagnie de Frédéric Vitoux.

La discussion promet d’être passionnante.

 

Agréez-vous l’idée selon laquelle l’on assiste, avec la publication de votre récit «Au Rendez-vous des Mariniers», à l’événement exceptionnel de la naissance d’un nouveau genre littéraire, celui des «antémémoires» ?

Il faudrait, je crois, être singulièrement présomptueux pour prétendre avoir créé un nouveau genre littéraire. À moins que l’on ne considère que toute œuvre littéraire digne de ce nom, par essence singulière, soit en substance porteuse d’un genre, ce que l’avenir seul dira. Soyons plus modeste. Je me suis contenté – un peu malicieusement – de donner ce nom, les antémémoires, à ce que j’étais en train d’achever, par référence aux «Antimémoires» de Malraux de 1967, en constatant que l’exploration de mon passé familial, et plus encore, de mon décor familial immuable, l’île Saint-Louis plus précisément, dans  la première moitié du XIXe siècle qui a précédé ma propre naissance, pouvait révéler beaucoup de choses de moi, de ce que je suis, de ce que j’ai vécu, de ce que j’éprouve... On cite souvent ce mot de Jean Cocteau : «On ne chante jamais aussi juste que dans les branches de son arbre généalogique». Tout est là. On ne chante jamais aussi juste, aussi vrai, de manière aussi personnelle et aussi révélatrice de son moi profond, qu’en remontant en arrière, le plus haut possible sur les branches de son arbre généalogique, un arbre solidement planté, pour moi, par mes parents et mes grands-parents, sur les rives de la Seine, quai d’Anjou, dans l’île Saint-Louis.

 

 

… et que vous définissez par la formule aux couleurs d’antiphrase, «l’on ne se souvient jamais mieux que de ce que l’on n’a pas vécu»? 

Là aussi, dans cette phrase que vous citez, il y a une part de paradoxe, voire de souriante provocation. Reste qu’elle recèle une part de vérité. Ce que l’on n’a pas vécu, ce que l’on vous a raconté, ce dont vous retrouvez la trace, tout cela vous le revivez, vous vous l’incorporez, vous le choisissez, vous le faites vôtre. Ce récit familial, voire légendaire, devient votre récit, il vous appartient, vous le faites revivre encore une fois, sans craindre de le déformer ou d’être victime des lacunes ou des égarements de votre propre mémoire. En bref, les antémémoires sont non seulement tout aussi révélatrices et impudiques, si l’on veut, que les mémoires traditionnelles mais aussi moins suspectes que celles-ci. On les reconstitue, certes, mais on n’a pas besoin, consciemment ou non, de les réarranger pour se donner le beau rôle ou pour améliorer son rôle. C’était avant votre naissance. On n’y jouait aucun rôle.

 

 

Un autre syntagme que vous utilisez pour définir votre récit est celle «d’une libre et vagabonde conversation» avec les clients de ce bistro devenu mythique.  

Oui, j’aime ces livres où l’on ne sent pas ligoté par les contraintes d’une règle du jeu trop précise, où l’auteur s’abandonne (vous voyez, quand je vous parlais d’un livre personnel, d’un livre d’aveu !) au fil de ses ressouvenirs, de ses émotions, où les images, les références surviennent naturellement, où le lecteur doit sentir une forme de liberté qui, à chaque instant, à chaque page, peut l’entraîner sur les chemins les plus divers. C’est comme cela que j’ai écrit ces «Mariniers». Je m’attardais auprès d’Hemingway et de Dos Passos, j’évoquais les raisons de leur rupture et voilà que je revoyais le jeune homme que j’avais été et qui avais connu ce grand cinéaste-documentariste que fut Joris Ivens, dans l’île Saint-Louis précisément, et qui avait été le funeste artisan  de cette rupture. Repensant à Céline et Mauriac attablés aux «Mariniers», je resongeais à nos promenades, à ma femme et à moi, en compagnie de Lucette Destouches, la veuve de Céline, le long des quais de cette île Saint-Louis qu’elle a tant aimée…

 

 

Comment êtes-vous arrivé à vous intéresser «Au Rendez-vous des Mariniers» dont la photo de la façade figure sur la couverture de votre livre ? Cette photo que vous définissez comme «une plaque sensible», sur laquelle s’est imprégné «ce qui appartient à la mémoire et ce qui relève de mon imagination», a une histoire particulière…

A plusieurs reprises, dans l’œuvre de Dos Passos en particulier, j’avais été frappé par les références à ce bistrot populaire situé à l’autre bout du quai où j’ai toujours vécu. Du coup, ce bistrot m’avait intrigué. J’avais huit ans, en 1953, quand il a fermé, et curieusement, je n’en gardais aucun souvenir. Il symbolisait en quelque sorte ce temps d’avant ma naissance. Pourquoi lui redonner vie ? Sans doute pour explorer précisément ce temps-là, non pas à la façon d’une image fixe et idéalisée, non, non, mais pour dérouler au contraire le fil du temps, mettons la première moitié du XXe siècle, avec sa vie, les catastrophes de l’Histoire en arrière-plan, deux Guerres mondiales n’est-ce pas, et observer aussi la disparition de tout un monde de la batellerie, les bateaux-lavoirs amarrés au flancs de l’île Saint-Louis et dont les blanchisseuses constituaient le gros de la clientèle du restaurant, tout comme les patrons des péniches et des remorqueurs amarrés juste en face de l’île, ce spectacle dont mon enfance a été bercé…

 

 

L’existence du bistro situé au bout du quai d’Anjou se heurte d’abord à l’omission de toute mention de la part de votre grand-père et, ensuite, de votre père,  y compris dans son journal, ce qui vous fait dire, par extension, que ce lieu est «l’endroit où mon père n’est jamais allé». 

Mon grand-père a dû certainement pousser la porte des «Mariniers» mais il n’a laissé aucun document autobiographique qui en attesterait. Mon père, dans un livre de souvenirs resté inédit, évoque cette adresse, en 1924, quand elle fut soudain à la mode, auprès des Américains tout particulièrement, et que les personnalités du cinéma, du sport ou de la politique s’y bousculaient le soir, mais je ne crois pas, non, qu’il y soit jamais rentré...

Pourquoi écrit-on un livre ? C’est une question bien mystérieuse, à laquelle l’écrivain ne peut pas toujours apporter les bonnes réponses. Pourquoi ai-je entrepris cette longue enquête, ce livre vagabondage inspiré par les «Mariniers» ? Evidemment, j’avais à l’idée les trois niveaux narratifs que je voulais entrelacer : une chronique sociologique de l’île, durant les années 1904-1953 qui ont été celles de l’existence du restaurant, la peinture de ses trois propriétaires successifs ; ensuite une chronique littéraire de tous les écrivains – et parmi les plus grands – qui en furent des familiers : Hemingway, Dos Passos, Aragon, Drieu la Rochelle, Simenon, Céline, Mauriac et j’en passe ; enfin une forme de réminiscence familiale, les liens que mes parents et grands-parents entretinrent, ou non, avec ce bistrot… Et puis soudain, à la fin du livre (et là, je reviens à votre question) je me suis surpris à écrire cette phrase à propos des «Mariniers» : «C’était le lieu de l’île Saint-Louis où mon père n’allait pas». Et j’ai eu la révélation soudaine que c’était pour cela que j’avais écrit ce livre, sans le soupçonner au départ. Pour aller là où mon père n’allait pas, lui qui était devenu si traditionnel sans doute, qui n’aurait pas songé à s’égarer dans un bistro populaire à moins de deux cents mètres de chez lui, dont les propriétaires de l’époque étaient des gens de gauche, socialistes, progressistes, ce qu’il était lui-même si peu etc. J’ai écrit ce livre pour comprendre en somme ce qu’il était, pour regretter peut-être ce qu’il était. Être adulte, devenir adulte en un sens, s’émanciper, c’est peut-être échapper pour une part à son père, découvrir ou se rendre là où son père n’allait pas. Mais je ne veux pas trop insister là-dessus…

 

 

Pour rester dans le domaine de votre histoire personnelle, c’est entre l’endroit où se trouvait le mythique bistro des Mariniers et les trois cent-treize mètres de long que représente la longueur du quai d’Anjou qui le séparent de votre domicile que vous situez métaphoriquement le cours de toute votre vie. Pourrait-on même dire que vous accordez à la présence – ou plutôt à l’absence de ce bistro – le rôle de mythe fondateur de votre histoire personnelle ?

Je crois en effet que ce quai d’Anjou illustre ou résume l’histoire de ma famille, ce quai où ma famille s’est installée, en 1906, dans un appartement où je continue d’habiter. J’ai voulu aller voir ce qui se passait à l’autre bout de ce quai, du côté du «Rendez-vous des Mariniers». Cet autre bout, c’est ce que je n’avais pas vu ou pas su voir, enfant. Cet autre bout, c’est précisément ce que la littérature – ou du moins la mienne - a pour mission d’explorer, pour mieux me comprendre sans doute avant de mourir.

 

 

En tant qu’historiographe-narrateur, vous êtes presqu’exclusivement obligé à naviguer à vue. Le mystérieux Livre d’or du «Rendez-vous des Mariniers» ne vous est pas d’un grand secours : de son existence, il n’en reste que des traces incertaines. Comment se sont déroulés vos travaux de recherche, et quel rôle a joué Nicole, votre épouse ?  

Il y a eu trois types de recherches : une recherche littéraire, de toutes les traces, de tous les écrits laissés par les écrivains qui ont fréquenté ce bistrot, et qui y ont trouvé parfois comme une nouvelle famille – ce qui a exigé de ma part d’innombrables lectures ou relectures, des pages et des pages de notes. Je n’insiste pas. Une recherche historique aussi, auprès des Archives de la Ville de Paris, la consultation d’annuaires du commerce, des registres de recensements de la population parisienne – et je remercie tous ceux, bibliothécaires et archivistes, qui m’ont aidé dans cette tâche ; enfin, une recherche, difficile, pour retrouver les héritiers des deux dernières familles qui ont tenu ce bistrot, et mon épouse a joué là un rôle décisif, remontant patiemment des pistes jusqu’à trouver les bonnes personnes dont elle a recueilli les premiers témoignages.

 

 

Quant à l’histoire vivante de ce bistro, à ses propriétaires successifs et à tout ce monde littéraire et artistique qui l’a fréquenté, vous arrivez à contourner magistralement l’exercice d’une érudition pédante, en donnant vie aux événements et aux personnes que vous nous faites rencontrer. Là-aussi, s'agissant du travail d'écriture,  la tâche n'a pas dû être facile.

Bien entendu, vous l’avez compris, ce travail de recherche considérable, il fallait ensuite l’effacer. Je n’ai pas écrit un essai, encombré de notes et de références. Ce n’était pas mon ambition. J’ai voulu écrire un livre littéraire, personnel, un récit où revit une époque, où apparaissent des écrivains, le temps du moins qui les lient à l’île Saint-Louis et à ce décor, des gens que j’admire et que j’aime, la plupart du temps, qui vivent, écrivent et auprès de qui j’aurais aimé m’attabler, aux «Mariniers», si j’étais né un demi-siècle plus tôt... Mais pour les faire revivre, il fallait bien que je relise aussi ce qu’ils écrivaient à ce moment-là, pour mieux les comprendre, eux. J’insiste, il ne s’agit pas, avec mon livre, d’un ouvrage savant, universitaire pendant qu’on y est, ô mon Dieu, pas du tout ! Comme le disait Céline, le lecteur est comme un passager sur le pont d’un paquebot, il doit se délecter, il ne tient pas à savoir ce qui se passe dans la soute, dans la chambre des machines, il ne faut pas le lui laisser voir.

 

 

Qui sont les écrivains qui ont fréquenté le bistro et comment leur avez-vous donné vie ? Avez-vous déjà connu certains d’entre eux ?

Les écrivains qui ont fréquenté les «Mariniers», je n’en ai rencontré quasiment aucun. Ils appartiennent à un  autre temps, quand «Paris était une fête», comme l’a écrit à peu près Hemingway. Jamais, pour autant, je n’ai inventé quoi que ce soit. Je n’ai rien romancé dans ce livre. Je n’ai pas reconstitué, par exemple, de faux dialogues. Non, je n’ai voulu écrire qu’un récit. Mais un récit où je mets en scène, si je puis dire, mes propres perplexités, où je juge de ce qui est vraisemblable ou non. L’exemple le plus flagrant serait celui du dîner qui rassembla, aux «Mariniers», en mars 1933, Céline qui était encore un jeune écrivain auréolé de la gloire que venait de lui apporter son premier roman, Voyage au bout de la nuit, et Mauriac, lui, une gloire littéraire mille fois consacrée. Que se sont-ils dit, eux que tout opposait et que l’histoire, par la suite, allait séparer plus violemment encore ? Je l’ignore. Mais je crois être assez familier de l’œuvre et de la personnalité de Céline pour pouvoir supposer la nature de leur rencontre. Ce sont ces suppositions que j’évoque...

 

 

À force de fréquenter votre œuvre littéraire – de la trilogie italienne, à la saga familiale, de vos essais et de vos derniers romans à teinte policière ayant comme décor l’île Saint-Louis –  j’ai appris que rien n’est à laisser au hasard d’un artifice d’interprétation, lorsqu’il s’agit de votre univers romanesque.

D’où cette question plus personnelle : d’où vient, chez vous, cette peur du temps qui passe et qui vous pousse à chaque roman à «effacer les années, combler le fossé entre les générations et se sentir moins seul ou un peu moins malheureux»?

Je préfèrerais laisser cette question, ou cette réponse, à mes lecteurs. Un écrivain, tel que je le conçois, tel que j’ambitionne de l’être, est quelqu’un qui fait un pas de côté, qui se retourne, qui explore ce qu’il est, ce qu’il a été, je n’insiste pas. Un écrivain, un romancier, est-il par ailleurs nécessairement fâché avec son époque ? Je ne sais pas. Il doit la regarder en tous cas sans indulgence. Mais c’est une étrange entreprise, tout de même, que de s’enfermer des mois, des années durant, parfois, dans la solitude et dans le silence de son bureau, pour écrire, pour donner vie à un univers plus ou moins imaginaire. Si l’on était si heureux, si épanoui dans le monde qui vous entoure, envisagerait-on de bon cœur une telle retraite ? Écrire, c’est peut-être aussi une forme de repli, une forme paradoxale de recherche du bonheur, celle qui consiste à donner vie à des êtres, qu’ils soient totalement imaginaires ou non, auprès de qui on aimerait vivre, plutôt qu’en compagnie de ses contemporains qu’il est permis de ne pas chérir excessivement.

 

 

Car, s’il y a une idée maîtresse qui traverse votre œuvre, elle ne peut être mieux définie que par la volonté de protéger vos personnages, et, avec eux, vous protéger vous-même de la violence de l’Histoire, afin «de les [et de vous] mettre à l’écart des épreuves, des erreurs ou des tragédies qu’ils ont affrontées».

Est-il si difficile de vous détacher du sentiment fait de joie et de culpabilité provoqué par votre venue au monde, moment qui a coïncidé avec l’arrestation de votre père ? Pouvez-vous à en parler, ou vous préférez confier tout cela à vos écrits, surtout à «L’ami de mon père» et au livre présent ?

Ce que j’avais à dire sur mon père, sur l’affection que je lui ai toujours porté, sur sa vie, ses orientations politiques en une période que je n’ai pas connue (je suis né au moins d’août 1944), sur ses choix bien sûr qu’il m’est permis de critiquer, sans me faire pour autant le juge ou le procureur des hommes qui ont vécu ces périodes tragiques, qui ont dû faire face à des dilemmes qui m’ont été épargnés, ça serait trop facile, je l’ai exprimé initialement, en effet, dans ce livre intitulé «L’Ami de mon père», il y a de cela plus de quinze ans. Mais j’y reviens souvent, d’un livre à l’autre. On en trouve évidemment la trace dans ce dernier.  Je ne paraphraserai pas ce que j’ai pu écrire ici et là.

 

 

Seriez-vous d’accord de donner à votre récit le sous-titre de «consolation littéraire» présidée par la «caméléonesque alchimie» de l’île Saint Louis, énigme que vous-même vous n’arrivez pas à déchiffrer entièrement ?

Je retiens vos deux mots qui me paraissent essentiels : consolation et énigme. Écrire, c’est en effet une forme de consolation. Ce «Rendez-vous des Mariniers» est bien une adresse consolante, de l’autre côté de ma mémoire, où je rêve, en passant, à d’improbables ou de féériques réconciliations entre mon père et son passé. D’où la référence passagère à ce territoire féérique qu’illustre le petit village de «Brigadoon» dans la comédie musicale de Minnelli, du même nom. Et puis le mot d’énigme. Écrire, c’est aussi une façon, bien entendu, de se trouver soi-même, de percer ou d’égratigner cette énigme, ce tissu de contradictions qu’est sa propre personnalité, et à laquelle la psychanalyse donne généralement de si pauvres ou si prévisibles réponses. Mais par bonheur la littérature est là, qui n’a pas pour mission de dire la vérité ou de coller au réel (quelle vérité, quel réel ?), mais de ne jamais mentir, ce qui n’est pas du tout la même chose...

 

 

Propos recueillis par Dan Burcea (février 2016)

Crédits photo, Nicole Chardaire


Frédéric Vitoux de l’Académie française, «Au rendez-vous des Mariniers », Éditions Fayard, janvier 2016, 320 p., 20 euros.

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