Justice League International, tome 1

La Terre vient de subir coup sur coup les événements de Crisis on Infinite Earths, puis la tentative d’invasion de Darkseid. Certains héros sont morts, et d’autres reprennent le flambeau. La Ligue de Justice doit, elle aussi changer. Sous la houlette du richissime magnat Maxwell Lord, elle doit s’ouvrir au monde et accueillir de nouveaux super-héros venus d’autres pays que les États-Unis : Batman, Guy Gardner le nouveau Green Lantern, Blue Beetle, Booster Gold d’autres personnages moins connus du DC Universe. D’autant plus que de nouvelles menaces apparaissent. Mais les dissensions internes ne risquent-elles pas de faire éclater le groupe ?

 

En 1986, l’affaire semblait bien mal embarquée. Qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête des dirigeants de DC Comics lorsqu’ils ont embauché Keith Giffen et J.M. DeMatteis pour scénariser les nouvelles aventures de la Ligue de Justice ? Et pourquoi donc essayer d’introduire autant d’humour dans l’un des titres phares de la firme? Surtout quand, dans les comic-books de super-héros, l’humour est à manipuler avec d'infinies précautions sous peine de décrédibiliser totalement l’aspect super-héroïque de l’histoire et d’en faire une banale parodie.
Deuxième problème : pourquoi choisir des personnages de seconds rangs, des personnages qui ne s’apprécient pas, et qui, de toute évidence, vont avoir énormément de mal à travailler de manière efficace ?

 

Ça avait tout d’un foirage dans les grandes largeurs. Et c’est tout l’inverse qui s’est produit : Justice League International est un petit miracle en soi.

 

D’abord parce que Keith Giffen et J.M. DeMatteis trouvent immédiatement le ton juste, cette touche d’ironie qui traverse les dialogues, au point qu’on attend souvent avec impatience les discussions, savoureuses, entre certains personnages. Ensuite, choisir des super-héros dysfonctionnels, c’était l’idée de génie. Fini les héros propres sur eux qui accourent pour sauver le monde des forces du mal ! Dans la Justice League International, on discute d’abord, on se prend le bec, on se chambre, on se tire dans les pattes, et s’il reste un peu de temps, on éclate les vilains. Pas sûr que sur le long terme, ce format d’histoire fonctionne sans lasser, mais, avouons-le, c’est plus que rafraîchissant à lire : c’est extrêmement drôle (et sans jamais oublier de raconter une histoire).

 

Et puis il y a Kevin Maguire. Voilà un artiste qui n’a pas son pareil pour « croquer » des expressions faciales irrésistibles. Kevin Maguire a un trait un peu rond mais très précis, qui donne un côté immédiatement sympathique à tous ses personnages. Sa mise en page est sobre (le gaufrier classique), efficace, et facilite en permanence la lecture. Et son style colle tellement bien au ton des scénaristes que ces trois-là retravailleront régulièrement ensemble par la suite chez DC Comics (toujours sur la JLI) ou Marvel (sur une hilarante minisérie des Défenseurs).

 

Enfin, un petit mot sur Urban Comics, qui, mine de rien, orchestre avec brio la publication de ce genre de petites merveilles. Album après album, l’éditeur remet méticuleusement dans le contexte l’ancien univers DC, propose un ordre de publication de façon à le rendre compréhensible aux nouveaux lecteurs. Un tour de force éditorial trop rarement souligné, et qu’il convient ici de saluer tant l’ensemble prend sens (on y reviendra très prochainement avec le titre Checkmate).

 

Drôle tout en respectant les codes du genre, en permanence à la limite du pastiche, Keith Giffen, J.M. DeMatteis et Kevin Maguire nous livrent un véritable numéro de clowns équilibristes. On rit, on s’amuse et on en redemande.

 

 

Stéphane Le Troëdec

 

 

 

Keith Giffen, J.M. DeMatteis (scénario), Kevin Maguire (dessin)

Justice League International, tome 1

Édité en France par Urban Comics (2 septembre 2016)

Traduit par Jérôme Wicky

Collection DC Essentiels

35,00 €

402 pages en couleurs, papier mat, couverture cartonnée

EAN : 9791026810292

Aucun commentaire pour ce contenu.