Les débordements de Jacques Cauda

Trouver la voix souterraine et tourner de l’oeil pour mettre à l’épreuve le savoir et le ça voir antidote à tous les idéalismes tel est le chemin de croissance que propose Cauda. Il sait combien seule est intéressante la profonde descente dans la nuit du sexe dont les érotiques à la petite semaine ne cherchent invariablement qu’à mimer le chemin.
Pour l’auteur la dimension transgressive de l’érotisme est une dynamique de cequ’on appellera l’inversion de l’inversion des valeurs du noble et de l’ignoble, de l’honnête et de l’obscène, du haut et du bas selon un envisagement ou un dévisagement où les négateurs eux-mêmes en perdent leur latin.

Cauda ne fait donc pas de la pornographie un hédonisme vulgaire qui caractérise habituellement les romans légers ou pornographiques. Aucun auteur sauf Cauda ose affirmer comme tel sa fiction. Mais il fait pire et son Histoire d’O n’a rien à voir avec celle qu’une femme secrétaire de direction et bien sous tout rapport écrivit pour émoustiller son amant patron de l’institution littéraire la plus célèbre.

L’écart sexuel pour parler comme Bataille visite différents points de rupture de la conscience, de l’inconscient, du récit, de la peinture. Les deux dernières deviennent ici fiction de la fiction : l’extase et la transgression, le rire et l’horreur se trouvent directement et intimement associées. Les plaisirs de la chair prennent différents fléchages et la surcharge de lipide du héros au besoin s’en nourrit.

Bref L’oobèse baise.
Mais il fait plus et pire. Ici la débauche n’est pas pusillanime et lâche : elle ne laisse en rien intacte quelque chose d’élevé et de parfaitement pur. Cauda ose tout et c’est d’ailleurs l’inverse qui serait surprenant. Le grand univers étoilé du cosmos ne joue même pas un rôle de décor. L’artiste et auteur situe l’expérience pornographique autant aux antipodes de la conception chrétienne de l’Amour que de celle de Bataille. Il n’existe là ni péché, ni rédemption. Mais du gras et de "sangsuel".
Preuve que ce roman à un dessein cochon. Celui de celles et ceux qu’on égorge et qui ignorent les truismes.

Cauda s’amuse avec l’obscène de la réalité avec une affection qui ne mâche pas ici ses mots mais les tritures. Le héros s’adonne en James Bande 00 à ce que l’on ne peut presque plus dire. Non seulement il le dit sans rougir, ou honte mais avec délectation pour provoquer aussi bien le rire que l’angoisse. Elle débouche sur l’horreur du vide et son extase là où tout est trop plein de tout. L’extase est ainsi comprise comme l’effet d’une dramatisation où l’expérience de l’érotisme est tournée en farce énorme en point de convergence de la vie et de la mort, de l’être et du néant, de la socialisation et de sa parfaite opposée.

 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Jacques Cauda, OObèse, Z4 éditions, Les Nans,

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