Le Voyou et l'Abbesse : Jacques Cauda, Marie-Philippe Deloche

Pour leur premier livre, les éditions Associations Libres qui éditent de superbes publications d'artistes proposent une correspondance entamée – sur les histoires d'amour respectives – par Marie-Philippe Deloche et Jacques Cauda.

Les deux sont a priori fort éloignés quant à leurs univers poétiques et plastiques. Mais ils créent une sorte de "communauté inavouable" chère à Blanchot dans leur jeu de "repons".
Cauda est coutumier de rapports plantureux. Chaque nuit – surtout dans son jeune âge – était blanche ou plutôt rose thon : celui des croupes de ses conquêtes qu'il "manuélise" et pas seulement de la main. Car la fée mimine ne suffit pas aux bamboches où se  croisent dans la même nef des fous Watteau et Lautrec.

Marie-Philippe Deloche fait mine – en fée minnine – d'apporter sinon la morale du moins la contradiction  à l'outrageur – histoire de redresser la barre du pirate des cas rapides. Non qu'elle le veule sans queue ni tête mais lui rappelle certaines règles du jeu. Et le sardanapale retord  de lui souligner – en sa musique où  il feint  de jouer les fats dièses – qu'en une telle partie il préfère perdre : mais juste ses vêtements et bien sûr ceux de sa partenaire.

En fin d'argumentaires la Sage (mi-Marie, mi-Madeleine de Commercy ou d'ailleurs)  demande au sombre héros quelques ajustements picturaux. Et il est vrai que pour lui la peinture dit ce que les mots refusent de dessiner. Au nom – entre autres – du Greco. Même si – c'est pour un tel peintre un réflexe – Kim Novak n'est pas loin.
N'en doutons pas les deux dialogueurs s'inspirent l'un l'autre et lecteurs et lectrices en bénéficient largement. Entre vertige, extase, les expériences intérieures s'enfoncent dans des sables émouvants. Mais en lieu et place d'un désert des Tartares – au milieu des considérations picturales des plus précieuses – Cauda commande un steak tartare.
Marie-Philippe en extrait l'âme à tiers plus que le sang, eu égard à cet homme qui sans être sa moitié fait là belle œuvre de Sparring-partner. Et c'est – entre autre – ce qui rend un tel livre extraordinaire.

 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Jacques Cauda et Marie Philippe Deloche, Jacqueries suivi de Carnets de Voyages, éditions Associations Libres, juin 2020, 106 p., 39 € 

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