Jacques Demarcq : Vol en piqué du verbe et de l’image

Chez Demarcq les flots poétiques ne sont jamais calmes, ils sont absorbés d’un mot vers l’autre mais en étant fendus par des vignettes et des calligraphies. Rien de mieux pour évoluer loin de lyrisme. Le texte devient une suite de segments ou plutôt de chevelures hirsutes en tant que sommes et serments. Ils lient le présent de Demarcq au passé d’Apollinaire. Le premier devient un esthète instinctif et clownesque. Il lèche le poème comme un taureau le sel afin de traquer certains abîmes au moment où il engouffre son lecteur dans des passages, des courants comme il le fait retourner à l’enfance afin de jouer avec l’eau dans les fosses de châteaux de sable.

Chaque texte garde néanmoins une force musculaire par un alliage entre souplesse, puissance et surtout ironie. Tout s’étire et se creuse jusqu’à l’ultime cambrure, le dernier lâcher-prise. Rien n’empêche une critique acerbe du monde tel qu’il est. Le débaroulé se produit en chaos agencé sous les auspices de Picasso, des Delaunay, de Calder et d’Arp. Il existe bien des secousses dans la magie du double que Demarcq entretient avec Apollinaire. Dessins, phrases, appui, élan, appel se réduisent à un geste unique. A l’intérieur, le corps du poème tremble, il se dénude. Sa fièvre oscille entre le froid des glaciers et la chaleur des volcans. Et des étoiles de couleur remontent à la surface. Emboîté - ou presque – mots et images jouissent l’un de l’autre, sans hiérarchie.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jacques Demarcq, Suite Apollinaire, coll. « Calepins », Editions Plaine page, Barjols, 30 p., 10 €, 2017

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