Molly Bloom d'après Ulysse de James Joyce : une interprétation juste et efficace

Une voix neutre et froide raconte dans le noir le coucher de Léopold. On découvre ensuite le couple au lit, c’est elle qui ne dort pas. Son flot de paroles constitue des phrases indistinctes. Ce sont comme des mots qui viennent et qui repartent, sans jamais cesser de s’enchaîner. Il s’agit des aventures de Molly, qu’elle conte d’un ton monocorde et affable à son insomnolence. Il y est souvent question de choses du sexe. Les souvenirs et les projets se pressent sur un ton onirique et cathartique. Le personnage allie la naïve simplicité d’un regard commun à la réflexion acérée d’un esprit lucide.
Pour des besoins intimes, Molly s’éloigne un moment dans le noir du fond de scène : on y entend sa voix donner sur le même ton, livrer un flot ininterrompu d’invectives et d’incises, trouvant là sa nature.

Anouk Grimberg compose un personnage attachant, pétri de nuances, mêlant la jeune fille sensuelle à la femme lucide, un brin cynique. Dans une belle prestation d’actrice, elle remplit de sa petitesse la grande scène vide du théâtre des Bouffes du Nord.
On assiste à une représentation intéressante, mais redondante : les ressorts du propos comme ceux du jeu paraissent par construction limités. On a affaire à l’une de ces adaptations bien senties d’un grand texte qui n’était pas pensé pour la scène. Bien senti, ce spectacle réussi paraît irrémédiablement limité par ses constituants : c’est un texte bien mis en scène plutôt qu’une scène venant valoriser une pièce.
On sera donc piqué et touché par le propos, sans avoir le temps d’être lassé : on ne laissera toutefois pas de s’interroger sur son sens, ce qui reste après tout joycien.


Christophe Giolito

 

Avec Anouk Grinberg et la participation de Antoine Régent

Adaptation Jean Torrent, avec la complicité de Blandine Masson et Marc Paquien

Traduction Tiphaine Samoyault

Lumières Dominique Bruguière ; costumes Isabelle Deffin ; son Xavier Jacquot ; perruque Cécile Kretschmar.

Production : C.I.C.T. / Théâtre des Bouffes du Nord
Coproduction : Les Théâtres de la Ville de Luxembourg et CPM – Jean-Marc Ghanassia

D’après « Pénélope », épisode 18 d’Ulysse de James Joyce, dans la traduction de Tiphaine Samoyault, © Éditions Gallimard pour la traduction française

Au Théâtre des Bouffes du Nord, 37, boulevard de la Chapelle, 75010,

Réservations : 01 46 07 34 50

Du 30 novembre au 15 décembre, du mardi au samedi à 21h. Durée 1h.

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