"La moitié du paradis", bienvenue dans le Sud!

Les origines de James Lee Burke


James Lee Burke est connu essentiellement comme l’auteur de la série de polars consacré à son personnage fétiche, le détective Dave Robicheaux mais La moitié du paradis n’appartient pas à ce cycle : il s’agit de son premier roman, paru en 1965, plein de notations sociologiques sur la société louisianaise de l’époque. On reconnaît ici et là des allusions de l’auteur à sa propre biographie. Son goût pour le récit et l’introspection psychologique irriguent aussi le récit.

 

Trois chemins vers l’enfer


Trois jeunes gens, trois itinéraires. Avery Broussard est le dernier rejeton d’une famille de planteurs ruinée, privé de son héritage à la mort de son père endetté. Il finit par s’adonner au trafic d’alcool frelaté et finit par être  arrêté  par la police. Toussaint Boudreaux, noir, travaille comme docker et surtout comme boxeur. Au cours d’un combat, il se blesse à la main. Au chômage et à cours d’argent, il accepte un boulot de conducteur et se fait aussi attraper par la police. Condamné à perpétuité (la couleur de sa peau a aggravé sa peine) il est envoyé dans un camp de prisonniers. Il y rencontre Broussard avec lequel il sympathise. Boudreaux et les autres détenus encouragent Broussard à tenir bon : il n’a que trois ans à tenir et peut espérer une libération conditionnelle. Quand ce dernier l’obtient, son objectif est de tout faire pour ne pas la replonger. Pendant ce temps, J.P.Windfield, jeune guitariste country, commence une très bonne carrière d’interprète grâce à un manager véreux. Succès, alcool, filles, J.P. a du mal à tenir le rythme. Il commence à prendre des pilules et la descente aux enfers n’est pas loin…

 

Un roman proche du polar


On le voit, le roman est très loin de cette « moitié du paradis » promise dans le titre et plus proche de l’enfer, même s’il se déroule dans la contrée des magnolias et du mint julep… S’il est proche du roman noir, La moitié du paradis ne présente pas d’enquête au sens strict. Pas non plus de quête - même si Broussard trouve un moment l’amour…- : les personnages sont frappés par un destin qui les expédie en prison - mais pas celle d’Angola, de très sinistre réputation - ou les plonge dans l’enfer de la drogue ou de l’alcool. Récit à trois voix, ce roman présente une vision très noire de l’époque. Tous les personnages sont frappés du sceau de la fatalité. Chez le jeune Burke, on sent une volonté de suivre des modèles littéraires : Steinbeck bien sûr mais aussi Faulkner, Robert Penn Warren.

Sans parler de style, La moitié du paradis témoigne du talent à l’état brut d’un auteur qui allait marquer le roman noir américain. Le lire, c’est aussi garder en soi un morceau de ce Sud contradictoire, tragique et beau, vénéneux et plein d’une douceur de vivre aussi savoureuse qu’une soupe de Gumbo. Alors, lecteur, branche les Meters, sifflote Yeswecan de Lee Dorsey et attaque ce Burke : il te restera en mémoire.

 

Sylvain Bonnet


James Lee Burke, la moitié du paradis, traduit de l’anglais (US) par Olivier Deparis, Payot/Rivages noir, 302 pages, octobre 2012, 20 €

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