Du bayou et des fantômes

 

Un livre au titre tronqué est un livre qui garde une part de mystère.

Pour vous en rendre compte sachez que titre original de ce polar est : DANS LA BRUME ÉLECTRIQUE AVEC LES MORTS CONFÉDÉRÉS. C'est dans cette partie occultée par la deuxième édition française que réside le soupçon de folie qui traverse toute cette histoire.

Roman en trompe l'oeil, sa trame pourrait être assez banale : un shérif sympa, ancien militaire affligé de cauchemars sur le Vietnam, amateur de bouteille et au nom improbable de Dave Robicheaux, une petite bourgade de Louisiane du Sud, une jeune femme violée puis assassinée par un tueur en série et en parallèle des petites affaires qui viennent pimenter le quotidien avec le tournage d'un film sur la guerre de sécession, l'arrivée en ville d'un caïd de la Nouvelle-Orléans et l'intrusion de l'agent spécial Rosie Gomez du FBI dans l'enquête de Robicheaux.

Seulement voilà, on est dans une histoire de James Lee Burke. Ça change tout, messieurs, mesdames. Il y a les marais du bayou, une tempête prête à ravager la côte sud du pays, un meurtre raciste vieux de 1957 à élucider et, surtout... des fantômes.

Ceux de soldats confédérés, décimés lors d'une épique bataille, fracassés par les balles, errant à travers la brume depuis le 21 avril 1865. Il se trouve que le principal acteur venu d'Hollywood partage avec Robicheaux deux points communs : l'attrait pour l'alcool et la vision de ces fantômes.

Pour tenir le lecteur en haleine à travers les multiples intrigues, aussi denses que la végétation du bayou, il faut un polar de caractère : celui du Sud profond avec son racisme ordinaire et sa nature puissante contre laquelle la lutte est permanente. Et un talent d'écriture qui fait penser à du pur Baudelaire"Une odeur de serpents morts, de boue âcre et de filaments de jacinthe pourrie soufflait sur le marais, portée par le vent brûlant."

Dans la deuxième partie du roman, la magie opère au fil des échanges entre Robicheaux et le Général. Leurs dialogues sont surréalistes. Hallucinatoires. S'agit-il juste de rêves ? ou de l'expression d'une lutte morale intérieure chez cet idéaliste de Robicheaux, déchiré entre la loi qu'il représente et la vengeance de ses frères humains ? Mais, au-delà de l'au-delà (!!!), il se tisse une amitié improbable entre les deux hommes, amitié qui aura le dernier mot au moment de la confrontation avec le tueur en série.

En bref et en clair, une superbe écriture pour un roman qui défrise. Comme le dit le Général : "Sacrée tempête que nous avons eue, pas vrai ?" 

Thomas Sandorf
James Lee Burke, Dans la brume électrique, traduit de l’anglais par Freddy Michalski, Rivages/noir, 8 avril 2009, 479 pages, 10,65 €
 
 
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